S’émanciper du modèle de permission : une preuve de bonne communication dans le couple ?
s’émanciper du modèle de permission, est-ce utile, souhaitable et possible ?
Mais d’abord, le modèle de permission, de quoi s’agit-il dans mon esprit et qu’est.ce que ça sous-tend ? :
-
Bonjour Chimène, j’aimerais t’inviter à boire un verre demain soir et manger ensuite un morceau avec toi, qu’en dis-tu ?
-
Excellente idée Rodrigue, mais laisse-moi demander la permission à mon mari et je te donne ma réponse…
Modèle de permission : pas seulement dans les couples vieille France
Même chez les couples qui ont fait le pas de la non-exclusivité sexuelle, il reste encore souvent cette posture consistant à « demander la permission » du conjoint. Petite dissection d’une relique patriarcale qui se dissimule derrière un libéralisme cosmétique…
Souvent les femmes devaient naguère demander l’autorisation du mari (ou du père ou du frère si elle n’en a pas encore ou si elle n’en a plus) pour travailler, pour sortir, pour se faire soigner, pour voter. Telle une personne mineure, la femme était dépossédée de sa liberté de mouvement, de sa liberté de parole, de la libre disposition de son corps. Et ça nous ferait une belle jambe de savoir que son mari est quelqu’un d’ouvert et de bienveillant parce qu’il donne volontiers son accord, et que donc sa femme est relativement libre dans les faits : c’est le principe de départ qui est fallacieux.
Modèle de permission : peut mieux faire !
Cette tendance s’est heureusement dissipée de nos jours – grande victoire de l’égalité des sexes – maintenant l’homme du couple demande lui aussi la permission de s’absenter pour une soirée avec des amis ou plus exceptionnellement d’une rencontre avec une personne du sexe opposé comme si dans mon exemple du début c’est Chimène qui lançait l’invitation à Rodrigue !
C’est malheureusement le modèle du couple dans lequel baigne encore largement l’Occident, en particulier pour la question du sexe.
Évidemment, comparé à ce qui est en vigueur avec certaines (in)cultures ou à ce qui avait cours à certaines époques pas si éloignées de la notre, il semble que nous ayons progressé sur la voie de la tolérance conjugale et que nous faisions preuve d’une certaine ouverture. Mais, comme le disait cependant Simone Veil, il ne faut jamais baisser notre vigilance car l’obscurantisme peut revenir à tous moment et balayer toute une somme d’efforts et de progrès égalitaires chaudement disputés en bien moins de temps qu’il en a fallu pour les obtenir, plusieurs exemples navrants se déroulent actuellement sous nos yeux.
Quand on met le despotisme conjugal à la porte
La caution morale de la non-exclusivité procéderait ainsi d’une permission que se concéderaient mutuellement les partenaires, en tant que dépositaires légaux du droit de l’autre à disposer de son corps et de gérer ses relations .
Certes je comprends bien que c’est issu d’un terreau culturel et traditionnel difficile à modifier rapidement. C’est déjà bien qu’un couple puisse choisir de sortir des ornières pour « se donner mutuellement l’autorisation de se divertir individuellement». Mais pour moi, ça ne fait que perpétuer l’ancien modèle où c’est encore au nom du droit de regard (quasiment un droit de cuissage) que j’estime avoir sur l’usage que tu fais de ton corps que je suis en mesure de te donner (dans mon immense mansuétude, sous-entendu : ou pas) ma permission d’aller coucher avec quelqu’un d’autre – ou de prendre un banal repas avec Chimène ou Rodrigue !
Il reste néanmoins les scrupules et la culpabilité de la cave au grenier
Paradoxalement, pour tout le reste, du consentement sexuel conjugal à la contraception, des tatouages aux soins médicaux, on défend mordicus la souveraineté de chacun-e sur les décisions qui mettent en jeu son corps. Et puis là … non.
Si l’on s’envisage comme des personnes responsables et majeures, il va falloir s’émanciper du modèle infantilisant et hérité de la tutelle patriarcale dans lequel je serais investi-e du pouvoir de décider à ta place pour des choses qui touchent à toi et à ton corps et non le mien. Et cela indépendamment du fait que ce soit l’homme ou la femme.
L’opposition majeure à cette liberté de mouvement c’est bien évidemment le bien-être émotionnel de notre conjoint Car même si ce n’est pas censé être fait pour lui causer directement du tort en décidant de nous accorder un petit plaisir, son désarroi peut devenir très intense si nous ne prenons pas les précautions d’usage et n’adoptons pas une délicatesse attentive.
Et la tutelle revient par la fenêtre …
Allant de pair avec une prudence dans la communication et dans les comportements des partenaires pour entretenir une relation saine et dynamique pour que la liberté conjugale puisse s’exprimer librement ; il est également nécessaire de juguler la propension au contrôle de l’autre en jouant sur cette facette du partenaire abandonné ou négligé afin de limiter sa liberté d’action en jouant sur la fibre de la culpabilité : Le partenaire de Chimène pourrait faire le conjoint éploré et devenir plaintif afin de la dissuader de passer la soirée avec Rodrigue, il aurait ainsi obtenu qu’elle décline l’invitation sans avoir eu à lui interdire….
Modèle de permission, surveiller les dérives
Un peu comme la différence entre la dictature et la démocratie : La dictature c’est « ferme ta gueule » et la démocratie c’est « cause toujours »
Alors, comment concilier nos libertés de mouvement sans froisser le sentiment de bien être de notre conjoint et même faire en sorte qu’il soit heureux de notre bonheur même si c’est au prix de le partager avec d’autres ?
La qualité du dialogue est toujours un indice fort et c’est surtout la Clé d’une relation pleine, intense et enrichissante pour tous les acteurs ! On peut s’attacher à repérer chez l’autre des marques de bonne volonté. On peut aussi chercher à voir si le processus est totalement bloqué ou bien s’il y a de vrais progrès, doucement mais sûrement.
Modèle de permission conjugale, une pratique à bannir ?
Il ne faut surtout pas se leurrer : le fait de jouer de la corde sensible, de se servir de la capacité d’inspirer la pitié à notre partenaire, sans même parler d’imposer sa désapprobation ou de lui interdire au final d’être heureux ne pourrait avoir qu’un temps !
Car notre ambition d’Être humain est de chercher le bonheur, ce bonheur ne peut être complet que si et seulement si notre partenaire l’est lui aussi pleinement.
Vouloir emmagasiner du bonheur en privant notre conjoint ne dure qu’un temps, savez-vous pourquoi ?
Parce qu’au fond de nous, nous savons que ce bonheur est en partie volé et qu’il n’est donc pas légitime, ici encore, la recette est de laisser ce bonheur vivre et s’exprimer dans l’ici et maintenant car il est dans cet instant présent.
0 commentaires
Trackbacks/Pingbacks