Les mœurs passionnantes MOSO, cette ethnie chinoise matriarcale très surprenante !
Les Moso – qui forment une des plus petites minorités ethniques de Chine et sont parfois qualifiés de peuple fossile en tant que derniers représentants d’un matriarcat originel – constituent une ethnie du sud-ouest de la Chine dans la province du Yunnan dans un royaume perché sur les contreforts de l’Himalaya. Il y a d’autres exemples d’organisation sociale centrée sur les femmes (tels les Hunzas vivant dans le nord du Pakistan, Juchitán ciudad au Mexique, connue comme « la ville des femmes », la société Khasi en Inde, sans parler des expéditions scientifiques de Malinowski et ses célèbres études sur les Îles Trobriand ; mais celui des Moso est très caractéristiques.
Il y a exactement 100 ans – en 1924 –, l’explorateur américain Joseph Rock, découvrit cette tribu tibétaine, il décrivit ce royaume caché comme étant « le dernier endroit paisible de la planète, le dernier endroit où la guerre n’a jamais existé, où les habitants vivent en harmonie ». Les ethnologues actuels confirment cette affirmation, décrivant une société sans rapport de domination entre les hommes et les femmes, sans querelle de propriété.
Aucun mot n’existe pour désigner la guerre ou le meurtre !
Qu’est-ce qui rend les Moso si particuliers ?
Cette communauté encore peu connue, estimée entre 30 000 et 60 000 habitants selon les études, préserve à travers les âges des traditions et des rites particuliers. C’est une des rares sociétés basée sur un fonctionnement totalement matriarcal encore en usage dans le monde.
Chez les Moso ; les mères sont les piliers de la société, les hommes sont des individus de second rang. Seule l’ascendance féminine compte, la transmission du nom et des biens ne se fait qu’entre femmes, ce mode de société est répertorié comme étant le mode matrilinéaire.
Nous évoquerons sommairement les différents aspects de la vie sociale moso, familial, l’organisation collective du travail, la spiritualité et pour finir la sexualité originale de cette communauté qui a vu beaucoup de sociologues s’intéresser à leurs comportements amoureux qui sortent des standards que nous connaissons, des études scientifiques leurs ont été consacrées et même des travaux de doctorat…
C’est dire toute l’originalité de la sexualité de ce peuple hors-normes !
La vie sociale des Moso
La vie familiale la gestion du foyer
Les familles sont constituées de fratries, frères et sœurs de plusieurs générations vivent ensemble et forment une famille. Les amoureux ne vivent pas en couple mais chacun dans sa fratrie d’origine. Les enfants sont rattachés à la fratrie de la mère pour y être élevés par les hommes et les femmes qui la composent (la mère et ses frères et sœurs : oncles et tantes ; la grand-mère et ses frères et sœurs : grands-oncles et grand-tantes).
L’homme élève donc les enfants de sa sœur, avec qui il partage foyer, nom, héritage et ancêtres communs, mais n’élève pas ses enfants biologiques. L’organisation familiale fait qu’un enfant sera proche de son oncle maternel et éprouvera à son égard le même type d’affection qu’il aurait envers son père dans d’autres types de sociétés.
La naissance d’une fille est cruciale car elle permet la continuité de la lignée. Si une famille n’a que des descendants de sexe masculin, les enfants de ces derniers habiteront la maison de leur mère et la lignée s’éteindra. La naissance d’un garçon est aussi importante car il exercera plus tard la paternité des enfants de sa sœur. Le bon fonctionnement d’une famille passe donc par la présence des deux sexes. Le statut de minorité ethnique des Moso permet à chaque femme d’avoir autant d’enfants qu’elle souhaite, indépendamment de la politique de contrôle de la population du gouvernement chinois.
La vie collective l’organisation commune
Chez les Moso, les hommes et femmes sont considérés comme différents et doivent donc avoir un rôle spécifique dans la société. Le partage des tâches est sexué et réglé avec précision. Les femmes s’occupent des travaux domestiques (cuisine, ménage), de la collecte de bois pour les feux et du tissage. Les hommes sont chargés des travaux plus physiques (labour, charpente, pêche, soins du bétail) et de la politique. Seuls les travaux d’agriculture (principale source d’alimentation des Moso) sont effectués conjointement.
Au sein d’une famille, l’ensemble du travail est planifié par deux chefs, un homme et une femme choisis en fonction de leurs compétences. La dabou (chef féminin) administre les affaires internes et l’économie domestique : gestion des récoltes, des finances, accueil des hôtes. Un de ses frères, choisi pour être le chef masculin, administre les affaires extérieures, ce qui implique les communications avec les familles et peuples voisins, ainsi que la planification du travail des hommes.
La vie religieuse, la spiritualité
Les Moso vénèrent une pluralité de divinités associées à la nature et à ses forces, mais placent l’amour et la fertilité au-dessus de tout. La divinité la plus importante est Hlidi Gemu, Déesse mère qu’ils associent à la montagne éponyme, qui donne sur le Lac Lugu. Sur la montagne se trouve le ventre de la déesse, une grotte sacrée où une stalagmite géante est vénérée en tant qu’idole. Il y coule une source où viennent boire les femmes qui désirent un enfant. Gemu est également la seule divinité anthropomorphique des Moso, représentée sous les traits d’une femme vêtue de blanc et de rouge, chevauchant un cheval blanc.
Le bouddhisme tibétain est devenu un élément important de la religion Moso, issue d’un apport de populations extérieure, principalement mongole
La sphère religieuse est gérée par trois types de personnes : les « Ammas », les « Dabas » et les lamas. L’Amma est la grand-mère d’une famille, la femme la plus âgée, qui jouit d’un titre honorifique important. Ancienne Dabou, elle est la gardienne de la maison et du culte des ancêtres. Le Daba est un homme, prêtre gardien de l’histoire et des traditions Moso. Il participe surtout aux cérémonies qui marquent la vie de la société : rites de passage à l’âge adulte, cérémonies funéraires. Les lamas, enseignants religieux du bouddhisme tibétain, participent également aux célébrations et aux processions. Selon les croyances Moso, si l’esprit d’un défunt n’est pas guidé par un Daba, il finira par se perdre, et sans les prières d’un lama, il ne pourra pas se réincarner.
La vie « amoureuse » des Moso peut nous sembler excentrique…
C’est le thème le plus étudié et le plus disséqué par maints spécialistes tant le comportement amoureux des individus nous fascine par l’originalité et les immenses différences avec nos propres comportements dans la société occidentale.
Selon Cai Hua (voir référence du livre en fin d’article), la vie sexuelle des Moso peut prendre quatre formes différentes : la visite furtive, la visite ostensible, la cohabitation et le mariage, la modalité.
Les deux premières formes sont de loin les plus répandues . Une évaluation de 1963 indique que 84 % vivent sous ces modalités, le mariage n’étant pratiqué que par 8,5 % de la population.
Le mariage et la vie conjugale ne sont pas de mise. La sexualité est totalement libre. C’est-à-dire que les relations sexuelles se font selon le désir de chacun. Le nombre d’amants et le changement de partenaires restent libres sans que cela soit ressenti comme de la légèreté sexuelle et tout en observant strictement le tabou de l’inceste, en particulier entre frère et sœur, les liaisons se nouent et se dénouent sans aucune contrainte sociale. Sans mariage ni infidélité, cette société exclut si radicalement la possession que la jalousie en devient honteuse !
Le nourrisson qui naît ne connaît que sa mère et les frères de celle-ci lui servent de pères. Autrefois, les enfants ne connaissaient même pas l’identité de leur père, cela a changé partiellement avec l’arrivée de l’administration chinoise dans les années 50, mettant à mal les spécificités de cette ethnie pendant la révolution culturelle communiste (1966-1976) par une propagande active en faveur du mariage et de la monogamie. Le succès de cette politique fut tout de même limité, de nombreux Moso étant restés fidèles à leur modèle traditionnel ou y retournant par la suite.
Les visites furtives : L’activité basique de tout Moso adulte !
Les activités amoureuses pour les garçons et les filles débutent vers 13 ans, l’âge de leur majorité. La fille est dotée d’un nouveau nom et reçoit la clef de sa « chambre des fleurs » (une chambre individuelle avec accès direct appelée « babahuago ») où elle accueillera ses amoureux en toute liberté. Par discrétion, ceux-ci entrent souvent par la fenêtre, à la tombée de la nuit et repartent avant l’aube. C’est la « visite furtive » ou « le mariage à pied ». Une femme peut recevoir plusieurs visites au cours de la même nuit. Ni l’âge ni le statut social n’entrent en ligne de compte dans le choix des amants.
Les relations demeurent généralement secrètes, à tel point qu’il est parfois difficile de savoir qui fréquente qui. Sans vie de couple, en toute liberté et discrétion, ce système exclut si radicalement la possession que la jalousie en devient honteuse. Malgré les efforts du gouvernement chinois pour diffuser le modèle familial conjugal, de nombreux Moso restent attachés à leurs traditions. Certaines femmes estiment ne vivre avec leur compagnon que des moments d’amour et de sentiments partagés sans que les questions pratiques s’immiscent dans cette relation. Les aspects matériels, les questions de propriété, de l’éducation des enfants, tous les sujets dont débattent nécessairement les couples qui vivent ensemble, n’ont qu’une importance secondaire dans la relation entre amants du peuple Moso. Il n’y a pas de relations arrangées ou forcées, ils se sont choisis et lorsque l’homme se languit d’une compagne, il va la voir.
Les Visites ostensibles, là, ça devient plus sérieux …
Par contre, lors des visites ostensibles, l’amant devient officiel. Il est reçu et accepté par la famille. Néanmoins, le matin, il regagne sa maisonnée où il retrouve sa mère, ses frères et ses sœurs, éventuellement ses oncles et les enfants de ses sœurs. En effet, de ces différentes rencontres naissent des enfants dont les géniteurs (ou du moins, les hommes que nous désignerions ainsi) sont le plus souvent inconnus.
Le seul prérequis de ces institutions relationnelles sexuelles furtives ou ostensibles, aussi appelées « Tisese », est l’agrément mutuel des deux partenaires, chacun pouvant, quand il le veut, mettre fin à la relation. Le « Tisese » n’implique aucune obligation pour l’homme de participer aux travaux des champs de son « amante », aucune exclusivité non plus, ni pour lui, ni pour elle d’ailleurs. Comme je viens de le dire, ni la visite ostensible, ni la cohabitation, ni le mariage ne suppriment radicalement la pratique de la visite furtive. D’après Cai Hua, le possessif n’est d’ailleurs pas de mise puisque la volonté de prendre possession de l’autre (amant ou amante) est très mal considérée. Les humains n’ont pas à se conduire comme des chats ! Quant aux enfants éventuellement nés de ces relations, sauf exception, ils appartiennent à la maisonnée de la mère.
Le mariage chez les Moso
Dans les années 1960, les maoïstes ont tenté d’imposer le mariage à l’ensemble de la population, usant à cet effet de multiples voies de coercition, y compris le non-accès à la nourriture pour les enfants nés hors mariage. Néanmoins, ces campagnes sont restées sans grands effets. Et les liens des mariages réalisés sous cette contrainte se sont défaits, au départ des délégués du gouvernement central. Dans d’autres maisonnées, les enfants nés dans de telles familles ont repris la coutume du « Tisese ». Cela prouve pour Cai Hua que le mariage est une institution venue de l’extérieur, marginale par rapport à la culture des Moso. Ce qui justifie le titre de son livre Une société sans père ni mari. (voir référence du livre en fin d’article).
Tristement Les Moso doivent faire face à l’érosion culturelle inéluctable depuis la révolution communiste portée par l’Armée rouge en 1979. Ces 20 dernières années, la stabilité de la communauté s’écroule graduellement.
La fin de la culture matriarcale Moso ?
Comme pour beaucoup de communautés isolées de par le monde, l’appât du gain touristique a un coût. En ouvrant leurs portes aux visiteurs, leur culture s’est peu à peu érodée et les membres de la communauté sont attristés de constater la perte de leur culture. selon la photographe Karolin Klüppel, qui a réalisé un reportage sur la culture Moso. Les plus jeunes d’entre eux ont mieux intégré les codes culturels chinois. Beaucoup se marient en dehors de leur communauté, choisissent d’aller vivre en ville pour y travailler. Et avec le peu d’aides du gouvernement, il incombe désormais aux anciennes matriarches d’être les gardiennes seules de la culture moso.
Si la prédominance des femmes dans les environnements de travail reste rare partout dans le monde, le « mariage libre » moso est certainement la caractéristique la plus singulière de leur culture. Résultat d’un féminisme progressif ou d’une forme appuyée de misandrie, selon les points de vues, la tradition exige que les femmes moso ne rendent visitent à leurs partenaires que la nuit. Les partenaires en question sont peu impliqués dans l’éducation des enfants qui restent avec la famille de leur mère jusqu’à leur mort.
« Pour les Moso, seuls l’amour et la passion doivent motiver le choix d’un partenaire. Et si elles ne ressentent plus cette passion elles peuvent mettre fin à la relation. Le frisson des premiers instants est pour elle plus important que le fait de rester ensemble. »
explique Klüppel.
À une époque ou l’indépendance des femmes est un sujet majeur, le fait qu’une des rares cultures matrilinéaires encore existantes soit sur le déclin est d’une ironie douloureuse.
En guise de conclusion
En résumé, le plus stupéfiant de cet aspect réside selon moi sur quelques faits implacables : comme écrit en introduction, cette société millénaire fonctionne sans rapport de domination entre les hommes et les femmes, sans querelle de propriété, aucun mot n’existe pour désigner la guerre ou le meurtre, le rapport des Moso à la possession et leur tolérance par rapport à l’infidélité de l’autre est pour nous, Européens, aussi assez extraordinaire sans parler de leur rejet de la jalousie conjugale !
Fait crucial à mentionner en point d’orgue ; la violence, l’agression et le viol sont inconnus dans ces sociétés matriarcales ou du moins tout à fait exceptionnelles, ce qui doit nous interpeler sur la violence omniprésente dans nos cultures.
Nous recherchons un modèle social pour la plupart d’entre nous depuis des siècles, au prix de multiples tentatives qui ont toutes été vouées à l’échec quand elles n’étaient pas de véritables catastrophes, alors qu’un exemple tout simple se trouve là sous nos yeux, trop simple peut-être ….
Tout cela nous indique combien notre culture influence non seulement nos comportements mais aussi notre vécu et l’expression de ce vécu. Ces diverses observations nous donnent à penser que la culture modèle aussi certains de nos processus intimes comme la répression, le refoulement et donc aussi les pensées et les sentiments inconscients. Cela étaierait la formule lacanienne surprenante et un peu énigmatique, « l’inconscient, c’est le social ».
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