Théorie de la dictature

par | J Mai, 2019 | Démocratie et dictature, Mon Carré De Sable | 0 commentaires

Théorie de la dictature est le nouvel essai de Michel Onfray qui, à l’occasion des élections européennes de 2019, livre une lecture philosophique et politique de l’œuvre de G. Orwell (1903-1950), qui préfigure, à ses yeux, une forme de dictature dont l’Europe de Maastricht serait la réalisation.

« La théorie du genre prépare le transhumain, objectif final du capitalisme »

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Théorie de la dictature Broché – 9 mai 2019 de Michel ONFRAY (Auteur)

Michel Onfray

L’essayiste et philosophe affirme que nous sommes entrés dans un nouveau type de société totalitaire qui détruit la liberté, abolit la vérité ou bien nie la nature.

Exposant ces caractéristiques dans son ouvrage sous la forme de dix commandements, le philosophe avertit que l’écrivain anglais prévoyait son avènement au plus tard en 2050.

Théorie de la dictature, une étude de l’univers orwellien

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1984 Poche – 16 novembre 1972 de George Orwell (Auteur), Amélie Audiberti (Traduction)

J’ai été particulièrement intéressé de lire ce livre, outre le fait que Onfray est un des auteurs dont les écrits figurent régulièrement dans ma bibliothèque, j’ai de plus découvert le « 1984 » d’Orwell il y a une vingtaine d’année, mais je me rappelle encore la fascination sordide que cette lecture m’avait provoquée, n’ayant pas pu lâcher le bouquin avant de l’avoir lu d’une traite en deux jours !

Il est admis que 1984 et La Ferme des animaux d’Orwell permettent de penser les dictatures du XXe siècle. Je pose l’hypothèse qu’ils permettent également de concevoir les dictatures de toujours. Comment instaurer aujourd’hui une dictature d’un type nouveau ?

Il est des auteurs essentiels dont l’œuvre produit ses effets dans la durée, un travail de sape qui infuse dans les profondeurs de la société pour, de proche en proche, en affecter la surface le moment venu. George Orwell est de ces auteurs-là. Celui que son État Civil nomme Eric Blair est une sorte de penseur-pilier : on s’y appui, on s’y adosse. Il fut une plume singulière, sa pensée s’inscrit dans une tradition socialiste mal connue car vaincue par l’Histoire : une tradition radicale, en lutte contre le libéralisme, mais qui refusa toute compromission avec les régimes totalitaires quels qu’ils fussent, une tradition qui plaçait l’homme du commun au centre de son combat. Pour ces deux raisons : refus de l’absolu totalitaire, et ancrage dans les couches populaires, ce socialisme ne pouvait que cristalliser tous les malentendus et se placer au carrefour de toutes les confusions. Honni à la fois par les libéraux pour son socialisme et par les communistes pour sa critique féroce de l’idéologie, et méprisé par toutes les « élites » pour son souci des petites gens, Orwell était certes un homme libre, mais il se condamnait par sa liberté à une forme de marginalisation. Sa descendance spirituelle est pourtant féconde, Michel Onfray, dans Théorie de la dictature, entend prendre sa place dans cette filiation.

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La ferme des animaux Poche – 4 janvier 1984 de George Orwell (Auteur), Jean Quéval (Traduction)

On sait de George Orwell qu’il fut l’écrivain du prophétique 1984. On connaît de lui également La Ferme des animaux. Des livres qu’il est de bon ton d’avoir lu, de citer, pour se donner à peu de frais un air subversif. On créera des parallèles faciles entre les diagnostics de l’anglais et la situation actuelle, on s’esbaudira devant sa prescience : on n’aura rien compris à ces deux œuvres géniales. Voilà pourtant la tâche que se propose Michel Onfray : lire 1984 et La ferme des animaux pour en dégager une théorie de la dictature. Pas sûr que le contrat soit rempli à 100%, nous y reviendrons, néanmoins, Théorie de la dictature est un livre tout-à-fait pertinent pour baliser ces deux best-sellers, pour y naviguer avec quelques repères et s’élancer ensuite sur les eaux tumultueuses de la pensée d’Orwell. Michel Onfray nous fournit le sextant et l’octant, le compas, la longue-vue, il déroule la carte, calibre l’astrolabe : prêt à embarquer !

Théorie de la dictature, une stratégie implacable :

J’ai pour ce faire dégagé sept pistes :

  1. détruire la liberté ;

  2. appauvrir la langue ;

  3. abolir la vérité ;

  4. supprimer l’histoire ;

  5. nier la nature ;

  6. propager la haine ;

  7. aspirer à l’Empire.

Chacun de ces temps est composé de moments particuliers.

 

Pour détruire la liberté, il faut :

assurer une surveillance perpétuelle ; ruiner la vie personnelle ; supprimer la solitude ; se réjouir des fêtes obligatoires ; uniformiser l’opinion ; dénoncer le crime par la pensée.

Pour appauvrir la langue, il faut :

pratiquer une langue nouvelle ; utiliser le double langage ; détruire des mots ; oraliser la langue ; parler une langue unique ; supprimer les classiques.


Pour abolir la vérité, il faut :

enseigner l’idéologie ; instrumentaliser la presse ; propager de fausses nouvelles ; produire le réel.

Pour supprimer l’histoire, il faut :

effacer le passé ; réécrire l’histoire ; inventer la mémoire ; détruire les livres ; industrialiser la littérature.

Pour nier la nature, il faut :

détruire la pulsion de vie ; organiser la frustration sexuelle ; hygiéniser la vie ; procréer médicalement.

Pour propager la haine, il faut :

se créer un ennemi ; fomenter des guerres ; psychiatriser la pensée critique ; achever le dernier homme.

Pour aspirer à l’Empire, il faut :

formater les enfants ; administrer l’opposition ; gouverner avec les élites ; asservir grâce au progrès ; dissimuler le pouvoir.

Qui dira que nous n’y sommes pas ?

Tout d’abord, le lecteur non orwellien appréciera la pédagogie déployée par Michel Onfray : pas besoin de connaître par cœur 1984 ni La ferme des animaux pour comprendre le propos de Théorie de la dictature. Ensuite, ce même lecteur sera sans doute satisfait du travail de prise de notes de M. Onfray : nous avons là des fiches de lectures bien faites, presque exhaustives, ordonnées, organisées, thématisées.

Théorie de la dictature, explications :

Entrons dans le propos du livre. Si théorie de la dictature il y a, qu’est que dictature il y a également, ou, du moins, qu’on en prend le chemin. De quoi s’agit-il ? Dès l’introduction, la réponse est donnée : « l’Empire maastrichien »(p.9). Un empire aux tendances totalitaires, jusque dans le processus historique de sa construction, comme le rappelle à raison Michel Onfray. L’Union Européenne fut pensée dès l’origine comme une machine à broyer les états européens donc l’Europe elle-même. Dès Jean Monet, l’Union Européenne qui n’existait alors qu’en projet à peine esquissé avait déjà pour unique fonction de détruire la souveraineté des peuples européens et de les livrer pieds et poings liés à l’idéologie néolibérale incarnée par les États-Unis. Une telle ambition impérialiste et populicide ne peut pas ne pas faire songer à Océania, l’enfer dystopique de 1984. Un enfer en passe de se réaliser. « A cette heure, il existe un État maastrichien : il a son drapeau, sa devise, son hymne, sa Constitution, ses élus, son Parlement, ses instances dirigeantes, son droit, ses lois, son idéologie libérale-nihiliste. »(p.28) Il lui manque deux choses essentielles : son peuple, et, par voie de conséquences, sa légitimité démocratique. Pour passer outre, une seule solution : s’imposer par la force.

L’essentiel du livre est dédié à développer les 33 principes qu’il repère, et à montrer comment ils organisent Océania comme une dictature La mécanique totalitaire de Big Brother est démontée et analysée pièce par pièce et dans le détail. La conclusion de l’ouvrage est consacrée à appliquer ces sept commandements au monde actuel qui, effectivement, détruit la liberté, appauvrit la langue, abolit la vérité etc. Il y a, si l’on prend Onfray au sérieux, incontestablement quelque chose de totalitaire aujourd’hui. Un parfum d’ambiance, un air du temps… la pestilence gagne du terrain.

Théorie de la dictature, Orwell le visionnaire

Si 1984 dissèque la dictature, La ferme des animaux théorise la révolution, mais, comme l’écrit Onfray « une révolution, c’est un changement complet de paradigme… avant retour à l’endroit de départ ! »(p.121) Ce livre d’Orwell raconte comment, d’après le moule marxiste-léniniste, la révolution aboutit à destituer les dominants d’hier au profit de dominants nouveaux mais tout aussi iniques et assoiffés de sang que les anciens – si ce n’est davantage – alors que la situation des petites gens ne s’arrange pas – à moins qu’elle n’empire. La Révolution Française qui nous rend pourtant si fiers, en est l’exemple. « A quoi bon l’inscription de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » sur les frontons des bâtiments publics ? Liberté de manquer de pain ? Egalité avec ceux qui manquent de pain ? Fraternité mais uniquement entre ceux qui manquent de pain ? »(p.123) demande Michel Onfray. La ferme des animaux permet en quelque sorte de penser que la Révolution n’est qu’un moment de la dictature.

Si la dictature est certaine et que la Révolution n’est qu’une passation de pouvoir d’une dictature à une autre, tout n’est-il pas vain ? Onfray rappelle qu’Orwell lui-même n’a cessé de se battre, de lutter, de prendre part aux révoltes et de soutenir les petites gens. Il a donné de sa personne en Espagne, à Londres, à Paris. En tant que journaliste, écrivain et penseur, il décrivit la vie misérable mais digne. Peut-être d’ailleurs, si le combat est perdu d’avance, Orwell nous fait-il comprendre que la dignité est justement dans le combat lui-même.

Pour en revenir à Théorie de la dictature, outre l’aspect didactique et un rien polémique qui procure un véritable plaisir de lecture même à celui qui connaît un peu Orwell et ses livres, Michel Onfray réussit-il à mener à bien sa tâche ? Pas complètement. Le lecteur ne trouvera pas une véritable théorie de la dictature en tant que telle. Il ne verra pas non plus précisément comment s’articulent les intuitions orwelliennes avec le monde actuel, car si, comme on dit, « ça colle » sur bien des sujets, notre monde n’est ni complètement Océania, ni intégralement La Ferme des Animaux. Le lecteur que j’ai été eût apprécié qu’Onfray entrât dans les détails et analysât finement les ressemblances et les dissemblances entre le roman et la réalité. Une impression d’inachevé en terminant la lecture.

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Théorie de la dictature Broché – 9 mai 2019 de Michel ONFRAY (Auteur)

Malgré d’évidentes carences, Théorie de la dictature fait toucher du doigt le génie de George Orwell, en cela, c’est un livre réussi. La critique de l’Union Européenne est toujours – et plus que jamais – un luxe dont on ne peut se passer, penser cette dernière à l’aune des fulgurances d’Orwell est un exercice non seulement pertinent, mais plaisant. Bonne lecture !

Je reproduis ici une entrevue dédiée à son livre que Michel Onfray a tenue avec Samuel Pruvot et Hugues Lefèvre sur le site « Famille chrétienne »

Q : La théorie du genre est-elle le produit d’une société totalitaire ?

R : Elle est le produit d’une société dont l’objectif est de mener une guerre totale à la nature afin de faire de telle sorte que tout, absolument tout, devienne artefact, produit, objet, chose, artifice, ustensile, autrement dit : valeur marchande. C’est, à l’horizon centenaire, la possibilité d’un capitalisme intégral dans laquelle tout se produira, donc tout s’achètera et tout se vendra. La théorie du genre est l’une des premières pierres de ce pénitencier planétaire. Elle prépare le transhumain qui est l’objectif final du capitalisme – autrement dit : non pas la suppression du capital, comme le croient les néo-marxistes, mais son affirmation totale, définitive, irréversible.

La théorie du genre est le produit d’une société dont l’objectif est de mener une guerre totale à la nature afin de faire de telle sorte que tout, absolument tout, devienne artefact, produit, objet, chose, artifice, ustensile, autrement dit : valeur marchande.

Q : En ouvrant la PMA aux couples de femmes, la filiation biologique serait remplacée par une « filiation d’intention ». Selon vous, cela participerait-il à l’instauration d’une société totalitaire, comme c’est le cas dans 1984 ?

C’est à intégrer dans ce processus de dénaturation et d’artificialisation du réel. On nie la nature, on la détruit, on la méprise, on la salit, on la ravage, on l’exploite, on la pollue, puis on la remplace par du culturel. Par exemple, avec les corps : plus d’hormones, plus de glandes endocrines, plus de testostérone, mais des perturbateurs endocriniens tout de même ! Allez comprendre… Ou bien encore des injections hormonales pour ceux qui veulent changer de sexe. Cette haine de la nature, cette guerre de destruction déclarée à la nature, est propédeutique au projet transhumaniste.

Par ailleurs, je n’ai jamais été génétiquement père mais, par le fait d’un mariage avec la femme qui est l’œil vif sous lequel j’écris désormais suivi par l’adoption de ses deux grands-enfants, je suis devenu père et grand-père de l’enfant de celle qui est devenue ma grande fille : je ne suis donc pas contre une « filiation d’intention », puisque j’en incarne et porte le projet, mais le tout dans une logique où l’on ne prive pas l’enfant des repères auxquels il a droit. J’ai assez bataillé contre la métapsychologie de la psychanalyse freudienne pour pouvoir dire que je me retrouve dans le combat de certains psychanalystes qui s’opposent à cette disparition du père soit dans la promotion d’un double père soit dans celle d’une double mère.

Je ne suis pas contre une « filiation d’intention », puisque j’en incarne et porte le projet, mais le tout dans une logique où l’on ne prive pas l’enfant des repères auxquels il a droit.

Q : L’incendie de Notre-Dame a été un électrochoc pour beaucoup. Mais il a aussi été l’occasion de redécouvrir un héritage architectural et spirituel. Etait-ce un pied de nez à la société « nihiliste » que vous dénoncez ?

R : Je me suis opposé à la lecture de tel ou tel qui recyclait les vieilles bêtises de la pensée magique – punition divine, signe envoyé par Dieu, avertissement envoyé aux mauvais croyants… J’ai même entendu que la main de Dieu avait écarté du feu la fameuse couronne d’épines du Christ sans que je puisse comprendre comment cette même main avait pu en même temps laisser faire le court-circuit ou l’allumette coupable !

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Décadence Broché – 25 février 2017 de Michel Onfray (Auteur)

En revanche, j’ai raconté dans Décadence que l’aventure de la Sagrada Familia de Barcelone faisait sens : décidée et commencée au XIX° siècle, poursuivie mais incapable d’être terminée au XX° siècle, bénie tout de même par un pape qui a abdiqué au XXI° siècle, puis théâtre d’un attentat islamiste heureusement déjoué, elle était un concentré de l’histoire du christianisme décadent lui aussi.

Par la fenêtre de mon bureau, je vois l’abbaye aux Hommes construite par Guillaume le Conquérant il y a mille ans : en une trentaine d’années, il a construit deux abbayes dans cette seule ville – et ce sans parler du château et des autres édifices laïcs… C’est dire si la vitesse du Paraclet n’est plus la même ! Mais l’incendie de Notre-Dame entre dans une autre perspective : dans l’attente des conclusions de l’enquête diligentée, il s’agit d’un accident dans lequel Dieu n’a pas plus de pouvoir que l’Esprit du Temps.

Samuel Pruvot et Hugues Lefèvre

Sources :

D’après un article du site

http://phrenosphere.com/theorie-de-la-dictature/

Samuel Pruvot et Hugues Lefèvre sur le site « Famille chrétienne »

https://www.famillechretienne.fr/politique-societe/bioethique/michel-onfray-la-theorie-du-genre-prepare-le-transhumain-objectif-final-du-capitalisme-255280?fbclid=IwAR2xzAL_8uocoZJMa-Q9f-GLjAj5jLIlJYu6poqAVEoRr__iWTfi76l7ipE

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