XIX°, Le siècle du « Spleen et de l’Idéal »
On dit souvent que l’alternance des siècles dans notre Histoire suit un certain rythme avec des récurrences assez régulière.
Il en est ainsi des siècles pairs (XVI et XVIII° par ex.) qui ont été généralement plus libertins et légers que les siècles impairs, le XIX° est un exemple assez particulier puisqu’il a vu l’émergence des écrivains « romantiques » illustrée par « Le Spleen et l’Idéal » colonne vertébrale du roman « Les fleurs du mal » de Charles Baudelaire, des réflexions fortement teintées d’un quasi désir de souffrance expiatoire influencée du dogme chrétien du Péché originel et de sa balance : une profonde aspiration de sens, d’ordre et de beauté vers où tend l’aspiration de l’auteur.
La mélancolie, une émanation caractéristiques du XIX°
La mélancolie est un affect qu’on définit généralement comme une absence du goût de vivre, un sentiment de tristesse mêlée à de la nostalgie. En littérature, et plus particulièrement en poésie, cet affect est souvent attribué aux Romantiques. C’est ce que Musset et Chateaubriand nommaient le Mal du Siècle et qui en s’intensifiant, est devenu chez Baudelaire, le Spleen.
Tentons de comprendre les mutations sociales profondes qui ont pu engendrer cet état d’âme caractéristique de la poésie du XIXe siècle…
Le XIXe, en gros, c’est la révolution industrielle. Les villes se transforment et le capitalisme inscrit peu à peu le soucis du quantitatif et de la richesse dans les mentalités, au détriment de l’individu. Du coup, l’espoir d’une vie meilleure et d’un travail poussent les populations rurales à aller s’entasser dans les villes. Les modes de vie vont commencer à s’uniformiser.
Dans le même temps, le rationalisme des Lumières et l’empire de la science ont désenchanté le monde, pour reprendre l’expression inventée par Max Weber.
Tout devient objectivité.
Les symboles disparaissent.
Le religieux recule et ne détermine plus les conduites ni la conception du monde.
Le rapport à Dieu, quand il ne disparaît tout simplement pas, se fait plus discret.
Bien souvent, ce sont finalement le sens de la vie et les valeurs anciennes qui se perdent.
Les poètes et artistes des exclus de la société du XIX° ?
Le poète romantique se place en désaccord fondamental avec la société moderne. Il devient un pariât, un maudit, cherchant dans l’art et la poésie un remède à ces désenchantements successifs. On voit éclore un culte de la subjectivité, du Moi profond qui se traduit par des vers marqués par un lyrisme exacerbé, qu’on considère aujourd’hui comme terriblement cliché, comme le célèbre:
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
de Lamartine
La Nature est également un motif récurent de la poésie romantique. Elle est considérée par ces derniers comme le sanctuaire du souffle divin que seul le poète peut encore sentir. Et Baudelaire de clamer dans le poème Correspondances:
La nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles.
Elle protège aussi l’artiste de la mauvaise influence de la civilisation. Rousseau déjà au XVIIIe s’y était isolé et s’était en même temps couvert de ridicule…
La poésie romantique est donc l’expression d’une quête pour retrouver une spiritualité perdue. Elle se fait alors reliquat de croyances païennes ancestrales comme le pythagorisme, du « tout est sensible! » chez Nerval, pour réintroduire les idéaux passés dans le présent.
Et l’art, par le rêve, le mystère, le voyage, jusqu’à parfois la folie, franchira toutes les limites pour produire grâce à l’imagination une poésie sacrée et sensible, débarrassée des carcans où les contraires, loin de s’opposer, s’enrichissent en se réunissant.
Les Fleurs du Mal de Baudelaire reste un exemple éclatant qui résume assez bien les aspirations d’une génération de poètes plongés dans une période d’incertitude où l’art, par leur biais, se fait sacré à la place du sacré. D’où le nom de la première partie du recueil: Spleen et Idéal.
PAR L. · PUBLICATION 20 NOVEMBRE 2016 · MIS À JOUR 20 NOVEMBRE 2016
Le XIX° une répétition générale du XXI° qui se découvre ?
Or, je ne peux m’empêcher de constater une certaine similitude entre ce siècle qui a consacré l’ère industrielle avec toutes les promesses qui ont émergées de travail pour tous et de modernité triomphante, des balbutiements du capitalisme, des mouvements de masse des populations qui sont devenues à majorité citadines en deux ou trois générations.
Le XX° siècle a célébré ces lendemains qui chantent jusqu’à connaître les « trente glorieuses », je me rappelle que la jeunesse de cette époque était insouciante, heureuse et totalement confiante en son avenir radieux…
Ce vingt-et-unième siècle n’est entamé que de vingt ans mais les mentalité ont été bouleversées suite à des profondes modifications des valeurs, nous sommes devenus plus individualistes et la recherche de la sécurité et du bien collectif (paradoxalement) ont supplanté celui de vivre sans entraves et de favoriser la liberté avant tout.
Bien sûr, le covid est passé par là, beaucoup pensent également que le capitalisme naissant deux siècles auparavant a évolué et a dorénavant engendré une société rude, orientée sur la recherche de profits bien avant celle de la recherche du bonheur qui était chère à nos philosophes du XVIII°
Le consumérisme, l’ultra libéralisme sauvage, l’obsolescence programmée, toutes ces notions amènent à se poser la question : « Quelle sera la place de l’Homme dans la société de demain ?
Toutes les utopie post révolution industrielle sont tombées les unes après les autres, celles qui promettaient cet avenir radieux qui n’a jamais été au rendez-vous mais à qui s’est substitué une imposture néo-esclavagiste tant les individus sont littéralement pieds et poings liés par des obligations financières entre autres.
Que sont devenus les artistes et les rêveurs dans cette société laborieuse, qui produit des richesses comme jamais auparavant mais, sans doute à cause d’une redistribution déséquilibrée de ces richesses, il règne une misère sociale et une pauvreté culturelle qu’avaient anticipé des auteurs comme Orwell ou Huxley
Les enfants du XX°, devenus parents de ceux du XXI° ont-ils failli dans leur tâche d’éducation ? Avons-nous fauté en n’ayant pas soupçonné la société profondément liberticide qui est en train de se mettre en place ?
Où, tout simplement, l’évolution de notre société suit un schéma que nous ne comprenons pas mais que tous ces jeunes appellent de leurs vœux, ou du moins ne sont pas particulièrement opposés à cette vie qui se positionne.
Les paris sont ouverts et l’Histoire s’écrit perpétuellement…
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