L’expérience des vampires : une brillante expérience de pensée illustrant le paradoxe de l’expérience transformatrice

L’expérience des vampires, pour un être humain, c’est souffrir d’une cécité congénitale particulière : au bord du précipice de tout grand changement, nous pouvons voir avec une clarté terrifiante le pied sur la terre ferme que nous risquons de perdre = nous remplissons même l’abîme de l’inconnu qui s’étend devant nous d’une peur de perte potentielle quasi certaine à nos yeux, plutôt que d’une jubilation enthousiaste face au gain éventuel de joies et de gratifications que nous ne pouvons pas imaginer parce que nous ne les avons pas encore vécues (ni les pertes ni les gains…) !

« Beaucoup des grandes décisions [de la vie] impliquent le choix d’avoir des expériences qui nous enseignent des choses que nous ne pouvons pas connaître autrement que par l’expérience elle-même.« 

L.A. Paul

Inspiré d’un excellent article de Maria Popova, sur son tout aussi excellent site « brainpickings.com »

Emerson le savait lorsqu’il supposait que notre résistance au changement était la clé d’une véritable croissance personnelle :

«Les gens souhaitent être dirigés, c’est seulement dans la mesure où ils sont perturbés qu’il y a un espoir pour eux. »

Rilke le savait aussi lorsqu’il envisagea les bouleversements qui nous rapprochent de nous-mêmes :

« C’est au fond le seul courage qui nous est demandé : avoir du courage pour le plus étrange, le plus singulier et le plus inexplicable que nous puissions rencontrer »

Expérience des vampires : comment illustrer un dilemme par un paradoxe

Face aux expériences les plus transformatrices, nous sommes mal équipés pour même commencer à imaginer la nature et l’ampleur de la transformation – mais nous devons encore et encore nous mettre au défi de transcender cet échec élémentaire de l’imagination si nous voulons récolter les fruits de toute expérience de transformation.

Expérience du vampire : La philosophe L.A. Paul

Expérience du vampire : La philosophe L.A. Paul

Dans « Transformative Experience (bibliothèque publique) », la philosophe L.A. Paul illustre ce paradoxe et examine comment nous devons nous en défaire dans une expérience de pensée simple et élégante : si vous aviez la possibilité de devenir un vampire – sans douleur et sans faire souffrir les autres , acquérant des super pouvoirs incroyables en échange de votre renonciation à votre existence humaine et retrouver tous vos amis qui ont fait le saut – aimeriez-vous faire cela ?


Paul écrit :

« Le problème est que, dans cette situation, comment pourriez-vous

Expérience du vampire : le livre de L.A. Paul "Transformative experience"

Expérience du vampire : le livre de L.A. Paul « Transformative experience »

éventuellement faire un choix éclairé ? Après tout, vous ne pouvez pas savoir ce que signifie être un vampire avant d’en devenir réellement un et, si vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que d’être un vampire sans le devenir, vous ne pouvez pas comparer le caractère de l’expérience vécue de ce que c’est que d’être vous, en ce moment un simple humain mortel, au personnage fictif d’un vampire qui vivrait cette même vie de manière éternelle !

…/…

Cela signifie que vous ne pouvez pas rationnellement décider de choisir ce que sera votre vie future, dans l’éventualité d’abandonner votre condition de simple mortel et de vous transformer en Dracula, puisque vous n’en possédez pas tous les paramètres et il semble terriblement suspect de s’appuyer uniquement sur le témoignage de vos amis vampires pour faire votre choix, car, après tout, ils ne sont plus humains et donc, leurs préférences sont celles que les vampires privilégient, et non celles que les humains apprécient…»

Elle fait remarquer que cette situation hypothétique est une analogie parfaite avec des situations de vie dans lesquelles nous devons prendre des décisions importantes :

« Lorsque vous vous trouvez face à une décision impliquant une nouvelle expérience qui ne ressemble à aucune autre expérience que vous avez eue auparavant, vous pouvez vous retrouver dans une sorte de situation épistémique particulière. Dans ce genre de situation, vous savez très peu de choses sur votre avenir possible, de la même manière que vous êtes limité lorsque vous faites face à un avenir possible en tant que vampire. Et donc, si vous voulez prendre la décision en pensant à ce que votre expérience vécue ressemblerait si vous décidiez de subir l’expérience, vous avez un problème… :

Vous vous retrouvez face à une décision où vous ne disposez pas des informations nécessaires pour prendre sans doute la meilleure décision que vous auriez prise naturellement, celle qui aurait consisté à évaluer les différentes possibilités et en choisissant entre elles.

Le problème est pressant, car bon nombre des grandes décisions personnelles de la vie impliquent le choix de vivre une expérience totalement nouvelle qui changera votre vie de manière importante et une partie essentielle de votre délibération concernera ce que sera votre vie future (que vous devez projeter, exactement la même expérience que de faire le choix de devenir Nosferatu la semaine prochaine!) si jamais vous décidiez d’engager le changement.

Mais il s’avère que beaucoup de ces grandes décisions impliquent le choix d’avoir des expériences qui nous enseignent des choses que nous ne pouvons pas connaître autrement qu’en l’expérimentant soi-même. »

Expérience des vampires, pas seulement assoiffés de sang mais aussi d’énergie

N’oublions pas que notre esprit est enclin à nous induire en erreur – de

Expérience du vampire : Dracula quoi qu'il fasse et où qu'il ail ...

Expérience du vampire : Dracula quoi qu’il fasse et où qu’il ail …

même que la confiance souvent excessive des gens dans leurs croyances n’est pas une mesure de la qualité des preuves sur lesquelles elles sont fondées, les estimations de coûts-bénéfices que nous faisons d’un état encore inconnu reflètent les suppositions tirées de notre état actuel et non des caractéristiques réelles de l’état potentiel et de fait totalement inconnu.

Face à un choix , d’un côté de la vie telle que nous la connaissons et de l’autre, une expérience de transformation, nous ne pouvons imaginer ce que serait la vie de l’autre côté – ce dont nous manquons actuellement – avant de subir la transformation associée à cette expérience. (Il est intéressant de noter qu’une conscience intuitive de ceci est à la base de la psychologie de notre peur de manquer.) L.A. Paul écrit :

« Vous savez que vivre l’expérience changera ce que signifie vivre votre vie et peut-être même changera ce que c’est que d’être vous-même, de manière profonde et fondamentale. »

Il semble donc qu’il existe un équivalent du théorème d’incomplétude de Gödel concernant les limites de la logique dans la conscience et de son vassal, l’imagination.

Conformément à l’affirmation mémorable du psychologue Daniel Gilbert selon laquelle « les êtres humains sont des travaux en cours qui pensent, à tort, qu’ils ont terminé leur travail de construction« , L.A. Paul ajoute :

À bien des égards, petits et grands, dans notre vie, nous nous trouvons confrontés à un fait brutal : nous savons peu de choses sur notre avenir, au moment où il aurait été de la plus haute importance que nous le sachions. Pour de nombreux choix de vie, nous n’apprenons que ce que nous devons savoir une fois que nous l’avons fait et nous nous changeons nous-mêmes en le faisant. Je dirai qu’en fin de compte, la meilleure réponse à cette situation est de choisir en fonction de notre choix de savoir qui nous allons devenir.


Dans un sentiment qui rappelle le récit touchant de Helen Keller – qui était sourde et aveugle – de sa première expérience de la danse et qui insiste sur la valeur de la suggestion de la biologiste marine Rachel Carson à imaginer la Terre sous l’angle des créatures non humaines, L.A. Paul écrit :

Si vous n’avez pas eu les expériences pertinentes telles que celle d’être une personne ou un animal très différent de vous-même d’une certaine manière fondamentale, cela sera inaccessible pour vous. Ce n’est pas que vous ne pouviez pas imaginer quelque chose à la place de l’expérience que vous n’avez pas vécue, c’est que cet acte d’imagination n’est tout simplement pas suffisant pour vous faire savoir ce que c’est vraiment que d’être une pieuvre, d’être un esclave ou d’être aveugle…

Vous devez avoir vécu concrètement l’expérience pour savoir à quoi elle ressemble vraiment. Cela fait ressortir un autre fait un peu moins familier concernant la relation entre connaissance et expérience : De même qu’une connaissance de l’expérience d’un individu peut être complètement inaccessible à un autre, ce que vous pouvez savoir sur vous-même à un moment donné peut demeurer totalement inaccessible à un autre moment de votre existence…

Comme si, une fois devenu vampire, vous oubliiez totalement ce que vous fûtes auparavant ! Il y a vraiment de quoi se faire du mauvais sang !!!

Expérience des vampires – sans transition

Expérience du vampire : Élections au Québec du 1er octobre 2018 : Raz de marée de la CAQ

Expérience du vampire : Élections au Québec du 1er octobre 2018 : Raz de marée de la CAQ

PS : Je publie cet article alors que des élections viennent d’avoir lieu, le problème du choix de ceux qui vont nous représenter pendant quatre ans au gouvernement d’un pays – ou d’une province – est lui aussi similaire au paradoxe du vampire : comment savoir que nous faisons le bon choix avant d’expérimenter la réalité de la situation une fois que le choix collectif a été fait ?! Impossible d’échapper au choix de parier que nous prenons le parti le moins pire afin de s’occuper de défendre nos intérêts et les valeurs que nous prônons.
Pour ce faire, nous n’avons que l’alternative de consulter les promesses faites par les candidats (qui n’engagent que ceux qui y croient!) et, pour ceux qui sont fortement croyants et pas encore désabusés, de prier le Dieu qui leur semble le plus efficace pour gérer les aléas de la vie civile…
Mais à ce stade, je me pose la questions suivante : Qui sont réellement les vampires dans ce cas de figure ?

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