«Pour décider si la vie est digne d’être vécue et pour répondre à la question fondamentale de la philosophie»,la quête du bonheur- écrivait Albert Camus dans son essai philosophique Le Mythe de Sisyphe en 1942.
« Tout le reste … n’est qu’un jeu d’enfant »; nous devons tout d’abord répondre à la question « Une des plus célèbres lignes d‘ouverture que le XXe siècle capture : l’un des défis philosophiques les plus durables de l’humanité – la quête du bonheur – l’impulsion au cœur des méditations de Sénèque, sur la vie et les essais intemporels de Montaigne, les réflexions de Maya Angelou et une richesse d’enquête humaine entre les deux.
Mais Camus, le deuxième plus jeune lauréat du prix Nobel de littérature après Rudyard Kipling, relance cette question de la quête du bonheur avec un courage inégalé et une grande conviction et tente de mieux comprendre les aspirations inconciliables de l’esprit humain.
La quête du bonheur pour Camus :
Dans le magnifiquement intitulé et magnifiquement écrit « A Living Life Worth : Albert Camus et la quête de sens » (bibliothèque publique | IndieBound), l’historien Robert Zaretsky se questionne sur la quête du bonheur permanente de Camus pour faire la lumière sur son «désir de sens, sur la recherche d’une unité à notre vie », et sur son héritage intemporel.
Si la question demeure, c’est parce qu’il s’agit plus une question d’intérêt historique ou biographique. Notre quête de sens et quête du bonheur est une question d’immédiateté éternelle.
Qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous ?
Camus poursuit la proie éternelle de la philosophie – qui sommes-nous, où allons-nous et si nous pouvons trouver un sens à notre condition, ce que nous pouvons vraiment savoir sur nous-mêmes et sur le monde
Zaretsky fait un parallèle entre Camus et Montaigne et y trouve une différence cruciale de positions entre les deux penseurs :
Camus réalise dans le mythe de Sisyphe ce que le philosophe Maurice Merleau-Ponty réclame pour les Essais de Montaigne : il place «une conscience étonnée de lui-même au cœur de l’existence humaine. »
Pour Camus, cependant, cet étonnement résulte de notre confrontation avec un monde qui refuse de dévoiler son sens. Elle se produit lorsque notre besoin de sens se brise contre l’indifférence immuable et absolue, du monde.
En conséquence, l’absurdité n’est pas un état autonome ; elle n’existe pas dans le monde, mais s’exhale plutôt de l’abîme qui nous sépare d’un monde muet.
Le Mythe de Sisyphe et la quête du bonheur
Camus capture lui-même cela avec une élégance extraordinaire quand il écrit dans Le Mythe de Sisyphe :
Ce monde en lui-même n’est pas raisonnable, c’est tout ce qu’on peut dire, mais ce qui est encore plus absurde, c’ est la confrontation du désir irrationnel et sauvage en chacun d’entre nous de recherche de clarté qui fait écho dans nos cœurs humains. L’absurde dépend autant de l’homme lui-même que du monde qui l’entoure et pour le moment, il est tout ce qui les relie…
Pour discerner ces échos dans le silence du monde, Zaretsky suggère ce qui était au cœur de la lutte de Camus avec l’absurde :
« Nous ne devons jamais cesser notre exploration, affirme Camus , excepté pour écouter plus fortement le silence du monde.«
En effet, le silence retentit lorsque les êtres humains entrent dans l’équation. Si le silence doit se faire entendre, « c’est parce que ceux qui peuvent l’entendre le demandent inévitablement.«
Et si le silence persiste, où allons-nous trouver un sens, une réponse ?
Cette quête du bonheur était non seulement la lentille à travers laquelle Camus a examiné toutes les dimensions de la vie, de l’existentiel à l’immédiat, mais aussi ce qu’il considérait comme notre plus grande source de compréhension. Dans une annotation de journal particulièrement prémonitoire de Novembre 1940, alors que la Seconde Guerre mondiale prenait de l’ampleur, il écrit ceci :
« Il faut Comprendre ça : nous pouvons désespérer du sens de la vie en général, mais pas des formes particulières qu’elle prend ; nous pouvons nous désespérer de l’existence, car nous n ‘avons aucun pouvoir sur elle, mais pas sur l’histoire, où l’individu peut tout faire. Ce sont les individus qui nous tuent aujourd’hui. Pourquoi les individus ne parviennent-ils pas à donner la paix au monde? »
Nous devons tout simplement commencer sans penser aux objectifs grandioses.
Pour Camus, la question du sens de la vie est étroitement liée à celle de la quête du bonheur – quelque chose qu’il a exploré avec beaucoup de perspicacité dans ses carnets.
Zaretsky écrit:
Camus a observé que l’absurdité peut nous tendre une embuscade sur un coin de rue ou une plage ensoleillée sablée, mais aussi, faire la beauté et notre bonheur au gré du hasard.
Trop souvent, nous savons que nous avons été heureux seulement lorsque nous ne le sommes plus !
Peut-être ce qui est le plus important : Camus a lancé un appel puissant à la dissidence au sein d’une culture qui confond souvent le bonheur avec la paresse et a défendu l’idée que le bonheur n’est rien de moins qu’une obligation morale. Aujourd’hui, le bonheur est devenu une activité excentrique. La preuve est que nous avons tendance à nous cacher des autres quand nous l’expérimentons. En ce qui me concerne, je tends à penser que l’on a besoin d’être fort et heureux afin d’aider ceux qui sont malheureux.
Ce ne fut pas le cas de Camus arrivé à l’automne mythique de sa vieillesse – la culture du bonheur et l’éradication de ses obstacles était l’objectif le plus persistant de sa quête de sens. Plus de deux décennies plus tôt, il avait envisagé « la quête patiente du bonheur » dans son journal, il en avait capturé avec une élégante simplicité l’essence significative – une capacité à vivre avec cette Présence malgré la connaissance que nous sommes impermanent :
« Nous devons être heureux avec nos amis, en harmonie avec le monde, et gagner notre bonheur en suivant un chemin qui conduit néanmoins à la mort. »
Mais son point le plus pointu intègre les questions de bonheur et de sens dans la quête éternelle de nous retrouver et de vivre notre vérité :
« Il est pas si facile de devenir ce qu’on est, de redécouvrir sa plus profonde mesure. »
c’est en plein dans l’actualité :
A Living Life Worth d’Albert Camus en anglais vient de Harvard University Press, c’est une lecture remarquable dans son intégralité. Prenez du bon temps avec Camus sur les sujet du bonheur, du malheur, de nos prisons auto-imposées, puis sur l’histoire de son amitié improbable et extraordinaire avec le biologiste et prix Nobel Jacques Monod.
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