Alexandra Kollontaï, féministe passionnée

Alexandra Kollontaï, féministe passionnée

Alexandra Kollontaï, la première femme officiellement ambassadrice

Les vives tensions qui ont opposé la Russie devenue bolchevique et le monde occidental dit « libre » se sont cristallisées pendant la période de la guerre froide qui a suivi la fin de la WWII. Cette épisode a été particulièrement caractérisé aux USA par le rejet de la doctrine communiste, des valeurs slaves et par la chasse aux sorcières idéologique pendant la tristement célèbre politique américaine de délation et de persécution du maccarthysme. La peur du communisme totalitaire a littéralement terrorisé les États démocratiques au point de nier tous les points positifs de ce que pouvait comporter ce régime de l’URSS et même de les dissimuler aux yeux de leur population = pour être efficace, la propagande a besoin de n’exposer que des horreurs sous peine de ne pas provoquer suffisamment de rejet, voire même de risquer de créer intérêt ou sympathie a son égard.

C’est, je pense, une des raisons qui ont fait qu’Aleksandra Kollontaï soit tombée dans l’oubli de la postérité alors que son rôle et son impact sur la société ont fait d’elle une précurseuse dans le domaine de la défense du féminisme et de l’avancée de la condition féminine dès le début du XX° siècle.
C’est la raison pour laquelle je dédie cet article à ma fille Camille à qui cette cause du militantisme féministe tient particulièrement à cœur.

Александра Михайловна Коллонтай

Dans le domaine du féminisme la Russie tient deux records. C’est une Russe, Sophie Kovalevski, qui a été la première femme professeur d’université et c’est une Russe encore, Alexandra Kollontaï, qui a pour la première fois gravi les degrés de la carrière diplomatique pour devenir ambassadrice.

Par une curieuse coïncidence c’est à Stockholm que l’une et l’autre exercèrent leurs talents. Sophie Kovalevski fut chargée de la chaire de mathématiques à l’université de la capitale suédoise en 1884. Quant à Alexandra Kollontaï, elle fut appelée à représenter l’U.R.S.S. en Suède en 1930.

alexandra-kollontai-mon-carre-de-sableC’est dans une famille aristocratique de la noblesse terrienne que naquit en 1872 à Saint-Pétersbourg la femme qui devait devenir un des artisans de la révolution russe et collaborer avec Lénine contre le régime autocratique des tsars. Elle était la fille du général Michel Domoutovitch. Comme beaucoup d’autres personnes de son rang elle se passionna de bonne heure pour les idées nouvelles et adhéra au mouvement socialiste.

Son père, qui ne prenait pas au sérieux la rébellion de sa fille contre l’ordre établi, pensa calmer ses ardeurs révolutionnaires en la mariant à seize ans avec son cousin, le colonel Kollontaï. Mais cette union ne fut pas heureuse, Aleksandra se sépare de son mari, milite dans les associations de secours mutuel, oscillant après 1903 entre les bolcheviks, dont elle est proche jusqu’en 1906, et les mencheviks, dont elle fait partie jusqu’en 1915, surveillée par la police impériale pour ses attaques contre la politique tsariste en Finlande, elle est inculpée pour son militantisme en 1908, elle doit prendre le chemin de l’exil. Alexandra quitte alors la Russie pour aller faire ses études de sciences économiques et sociales à Zurich et en Angleterre. À son retour en Russie 9 ans plus tard et la révolution bolchevique ayant installé Joseph Staline au pouvoir, elle collabore aux publications social-démocrates, elle contribue également à organiser les ouvrières russes et participe à l’activité du mouvement international des femmes socialistes.

Ainsi commença pour elle une vie mouvementée, qui la mena aux États-Unis et en Europe. On la vit à Genève, à Lausanne, à Paris. Elle fit des conférences à Bologne en 1911, s’intéressa à la vie pénible des mineurs du Borinage en 1912, se rendit aux États-Unis en 1916. Elle se trouvait en Norvège quand lui parvinrent, en mars 1917, les nouvelles de la révolution russe. Après neuf ans d’exil elle regagna en hâte sa patrie, avec des centaines d’autres Russes qui avaient contribué comme elle à la chute de l’ancien régime.

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alexandra-kollontai6-mon-carre-de-sableC’est La Famille et l’Etat communiste » (1922), « Les Amours des abeilles travailleuses » (1925), le Chemin de l’amour (recueil de nouvelles, 1925), Amour libre (1932), la Femme nouvelle et la Classe ouvrière (1932). Sa fugue en Crimée, en 1918, avec le marin de la Baltique Pavel Dybenko, provoque la protestation de plusieurs dirigeants communistes dont le puritanisme est aussi farouche que la foi révolutionnaire. Le cas est soumis au comité central du parti et, en dépit de la protection de Lénine, Alexandra Kollontaï est condamnée : pendant cinq ans elle doit s’abstenir de toute activité politique. Elle médite alors sur sa vie tumultueuse et elle devient plus sage. En 1923 elle est réhabilitée. Se souvenant qu’elle avait acquis avant la révolution une grande expérience des milieux scandinaves et qu’elle y connaissait le personnel politique, le parti l’envoie comme ministre plénipotentiaire en Norvège. Cette nomination soulève un vif enthousiasme parmi les champions du féminisme international. Puis on l’envoie au Mexique durant un an (1926), où sa présence n’est pas du goût des milieux officiels, et elle retourne en Norvège, où elle demeure de 1927 à 1930.

Ayant commencé sa carrière diplomatique après avoir dépassé la cinquantaine, Alexandra Kollontaï, qui a définitivement discipliné sa nature passionnée et renoncé à l’extrémisme, fait preuve dans ses nouvelles fonctions d’éminentes qualités. Elle a l’avantage de parler couramment plusieurs langues, dont le français, l’allemand et l’anglais, et elle met sa vive intelligence au service de son pays, qui, avec Gueorgui Tchitcherine et Maxime Litvinov aux affaires étrangères, voit grandir rapidement son prestige international.

Elle est enfin nommée ministre en Suède le 30 octobre 1930, dans ce pays nordique où elle avait fait de la prison seize ans plus tôt. Elle est alors âgée de cinquante-huit ans. Rapidement elle sait s’imposer et gagner l’estime du gouvernement suédois. L’éclatement de la seconde guerre mondiale en 1939, et surtout la guerre soviéto-finnoise, mettent Mme Kollontaï à l’épreuve, car Stockholm est à l’un des points névralgiques de l’Europe. Elle est un des principaux artisans de la paix entre l’U.R.S.S. et la Finlande (traité de Moscou du 12 mars 1940). Plusieurs fois les bruits de tentatives de négociations en vue d’une paix séparée entre l’Allemagne et l’U.R.S.S. concentrent l’attention des milieux internationaux sur son activité. En raison de la place importante prise par la Suède durant la guerre, la légation soviétique est élevée au rang d’ambassade en septembre 1943.

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alexandra-kollontai7-mon-carre-de-sableSa vie publique se termine en juillet 1945, après la victoire de l’U.R.S.S. sur l’Allemagne. Elle regagne Moscou, et elle occupe sa retraite à écrire ses Mémoires. En mars 1952 elle meurt, suivant de très peu dans la tombe son ancien « patron », Maxime Litvinov. Elle a atteint l’âge de quatre-vingts ans : vieillesse sereine après une jeunesse orageuse. Après avoir été exposée dans la salle des conférences du ministère des affaires étrangères, sa dépouille a été inhumée au couvent célèbre de Novodievitchi de Moscou, dans le cimetière réservé aux personnalités importantes du régime communiste.

 

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Le célèbre couvent de Novodevichy de Moscou.
Lieu de sépulture d’Aleksandra Kollontaï

D’après un article d’Alain Pierre du site « Monde diplomatique » 

 

 

 

 

La folie de Virginia Woolf

La folie de Virginia Woolf

La tragique histoire de Virginia Woolf, morte pour ne pas devenir folle

Qui es-tu, Virginia Woolf ?

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Ses livres ont marqué le début du XXe siècle et continuent à influencer la culture d’aujourd’hui, près d’un siècle après leur écriture. Virginia Woolf est propulsée sur le devant de la scène avec son roman Mrs Dalloway, paru en 1925, dans lequel le lecteur suit une unique journée de Clarissa Dalloway, femme du monde d’une cinquantaine d’années. Sous son apparente légèreté, le livre nous délivre une dissection sans concession de la société londonienne des années 20 et la complexité des sentiments humains.folie-virginia-woolf-livre0-mon-carre-de-sable

Amour et mort s’entremêlent tout au long du roman : le cœur de Clarissa est déchiré entre son actuel mari et son amour de jeunesse qu’elle a éconduit, mais, au fond, qu’elle aime encore. Quant à la mort, elle est omniprésente dans le livre, à travers les pensées suicidaires de l’héroïne et de Septimus Warren Smith, un personnage qui gravite autour d’elle, vétéran de la Première Guerre mondiale à l’esprit perturbé.

À partir de la publication de ce roman, Virginia, femme de lettres à l’esprit rebelle, jouit d’une grande popularité en Angleterre. Au début du printemps 1941, pourtant, elle se remplit les poches de cailloux et entre dans une rivière. Son corps sans vie sera retrouvé sur le rivage trois semaines plus tard…

Comment en est-on arrivé là ? “Je ne veux pas devenir folle” a-t-elle écrit sur la lettre d’adieu adressée à son mari… Au fond, derrière le récit de la mort de Virginia Woolf, il y a l’histoire poignante d’une femme qui a combattu la maladie mentale durant toute sa vie

Retour sur le parcours chaotique de cette femme hors du commun.

Virginia Woolf, de brillante étudiante à femme de lettres

Virginia Woolf naît le 25 janvier 1882 dans une famille appartenant aux hautes sphères culturelles londoniennes. Elle est élevée au milieu de livres et de discussions littéraires…

Mais en 1895, à 13 ans, elle perd sa mère, puis sa sœur deux ans plus tard. Déjà, la jeune fille plonge dans un profond état dépressif. En 1904, à la mort de son père, la souffrance de Virginia est telle qu’elle doit faire un séjour en hôpital psychiatrique.

Mais cette succession de drames ne l’empêche pas de mener de brillantes études. La voilà qui rejoint bientôt le département des femmes du King’s College London, une des plus anciennes et des plus riches universités anglaises !

Son diplôme en poche, elle rejoint un cercle d’artistes et d’intellectuels connu sous le nom de Bloomsbury Group. Elle y rencontre son mari, l’essayiste politique Leonard Woolf. En 1912, Virginia a 30 ans quand elle épouse Leonard… Elle ne cache pourtant pas sa bisexualité, au risque de choquer l’opinion publique ! Sa liaison avec la romancière Vita Sackville-West, alors que Virginia et Vita sont toutes les deux mariées, ne manque pas de défrayer la chronique. Les deux femmes continueront pourtant à se fréquenter pendant près d’une décennie, sans que cela ne semble chagriner leur mari respectif.

Virginia Woolf, une femme libre

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L’écrivaine fait de son orientation sexuelle un combat littéraire. En 1917, les Woolfe fondent leur propre maison d’éditions ce qui leur permet de publier leursfolie-virginia-woolf-livre3-mon-carre-de-sable propres livres. Son premier roman,folie-virginia-woolf-livre4-mon-carre-de-sable « La Traversée des apparences (The Voyage Out en VO) », dont un des thèmes est la passage de l’adolescence à l’âge adulte d’une jeune femme, passe plutôt inaperçu.

En fait, il faut attendre Mrs Dalloway (1925), son quatrième livre, pour que Virginia Woolf soit reconnue comme une brillante romancière. Elle profite alors de son succès pour publier d’autres romans et essais féministes (Une chambre à soi, 1929).

Son roman Orlando (1928) est particulièrement provocant : le héros y fait l’expérience du changement de sexe. Il s’endort homme et, à la suite d’un long sommeil d’une semaine, se réveille femme…Roman humoristique au grotesque assumé, il n’en reste pas moins une ode vibrante à la tolérance. Malgré le thème choquant pour l’époque (N’oublions pas qu’ Oscar Wilde fut condamné aux travaux forcés pour homosexualité 30 ans plus tôt…), l’œuvre de Virginia Woolfe reçoit un bon accueil de la part des critiques.

La femme fragile derrière le masque d’une femme libre

À la question : “comment qualifieriez-vous Virginia Woolf ?”, qu’auraient répondu des gens qui la connaissaient personnellement ? Certainement que Virginia est l’archétype de la femme libre qui se moque de l’opinion des autres et se bat pour ses convictions. Peut-être auraient-ils ajouté qu’elle est également une femme profondément malheureuse, en proie à des démons qui la tourmentent sans répit.

Cette dichotomie entre la femme qu’elle est réellement et le personnage public qu’elle incarne se retrouve d’ailleurs dans son roman le plus célèbre, Mrs Dalloway. Rares sont les écrivains à avoir mis autant d’eux-mêmes dans leurs romans.

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Quoi qu’il en soit, avec plusieurs tentatives de suicide au compteur, il est clair que Virginia Woolf ne se sentait pas tout à fait bien dans sa peau.

Qu’est-ce qui a motivé le suicide de Virginia Woolf?

Un jour, Virginia a déclaré : “Grandir, c’est perdre certaines illusions pour en acquérir d’autres.

Cette phrase résume à elle seule son parcours chaotique. Elle fut confrontée à son premier drame vers l’âge de 4 ou 5 ans… Dans un essai autobiographique écrit en 1939, A sketch of the past (jamais traduit en français semble-t-il), elle se livre sur les viols répétés qu’elle subit de la part de ses deux demi-frères George et Gerald Duckworth. Elle décrit d’ailleurs sans tabou une scène que ce dernier, alors âgé de 20 ans, lui fit subir :

Gérald me hisse sur une sorte de console et, pendant que je suis assise là, se met à explorer ma personne. Je peux me souvenir de la sensation de ses mains passant sous mes vêtements, descendant fermement et longuement de plus en plus bas. Je me souviens combien j’espérais qu’il s’arrête ; combien je me raidissais et me tortillais tandis que sa main s’approchait de mes parties intimes. Mais il ne s’arrêta pas.

A sketch of the past, Virginai Woolf, 1939

Plus tard, c’est George, son autre demi-frère, qui prit le relais. Sa douceur apparente, ses caresses pleines de tendresse (du moins, ainsi étaient-elles perçuesfolie-virginia-woolf-livre1-mon-carre-de-sable par les adultes aux alentours), cachaient les plus odieuses pensées. Et, lorsqu’ils n’étaient que tous les deux, la tendresse fraternelle se transformait en actes sexuels forcés.

Ces viols à répétition durèrent toute son enfance. Sa sœur Vanessa, semble-t-il, fit également les frais du comportement prédateur de George.

Certains psychanalystes – qui se croient certainement très intelligents – nous expliquent en long, en large et en travers (et sans la moindre preuve, évidemment) que ces viols n’ont jamais eu lieu, qu’ils étaient seulement un fantasme créé de toute pièce par Virginia elle-même. À ces gens-là, on a seulement envie de demander : “qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez vous ?”

Puis vint le décès de sa mère, quand Virginia n’était âgée que de 13 ans : elle eut alors sa première dépression. Deux ans plus tard, c’est sa demi-sœur Stella qui fut emportée dans la tombe. Et quelques années après, son père.

C’en était trop pour la pauvre jeune femme qui connut sa première hospitalisation, heureusement de courte durée. Dans ce contexte, sa rencontre avec son futur mari Leonard Woolf quelques années plus tard sonne comme une délivrance.

Mais on ne sort pas aussi facilement des affres de la dépression et des traumatismes. Sa vie fut ponctuée d’hallucinations, de périodes de folie et de tentatives de suicide. Différents traitements psychiatriques ont bien été tentés, en vain. Plusieurs dents lui furent même arrachées : dans les années 1920, une théorie médicale associait les troubles mentaux aux infections dentaires !

La lettre d’adieu de Virginia Woolf

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Le matin du 28 mars 1941, Leonard Woolf sentit que son épouse, âgée de 59 ans, n’était pas au mieux de sa forme. Après une courte conversation avec elle, il lui suggéra de retourner dans sa chambre pour se reposer, avant de sortir de la maison pour vaquer à ses occupations.

C’était la dernière fois que Leonard voyait sa femme en vie.

Lorsqu’il rentra chez lui quelques heures plus tard, il trouva une lettre bien en vue :

Mon chéri,

J’ai la certitude que je vais devenir folle à nouveau : je sens que nous ne pourrons pas supporter une nouvelle fois l’une de ces horribles périodes. Et je sens que je ne m’en remettrai pas cette fois-ci. Je commence à entendre des voix et je ne peux pas me concentrer.

Lettre d’adieu à son mari de Virginia

La lettre d’adieu de Virginia Woolf se poursuit :

Alors, je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Tu m’as donné le plus grand bonheur possible. Tu as été pour moi ce que personne d’autre n’aurait pu être. Je ne crois pas que deux êtres eussent pu être plus heureux que nous jusqu’à l’arrivée de cette affreuse maladie. Je ne peux plus lutter davantage, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais travailler. Et tu travailleras, je le sais.

Vois-tu, je ne peux même pas écrire cette lettre correctement. Je ne peux pas lire. Ce que je veux dire, c’est que je te dois tout le bonheur de ma vie. Tu t’es montré d’une patience absolue avec moi et d’une incroyable bonté. Je tiens à dire cela — tout le monde le sait.

Si quelqu’un avait pu me sauver, cela aurait été toi. Je ne sais plus rien si ce n’est la certitude de ta bonté. Je ne peux pas continuer à gâcher ta vie plus longtemps. Je ne pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l’avons été.

Lettre d’adieu à son mari de Virginia

Peut-on imaginer plus belles paroles d’amour ?

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Leonard courut aux abords de la maison pour retrouver son épouse et tenter d’empêcher l’inexorable. En vain. Au bord de la rivière à proximité de chez eux, il retrouva des traces de pas ainsi que la canne dont se servait son épouse pour marcher. Le courant avait déjà emporté son corps.

Il sera retrouvé trois semaines plus tard, échoué près de Southease, en Angleterre, les poches de ses vêtements gonflés de cailloux.

L’héritage littéraire de Virginia Woolf

folie-virginia-woolf-livre2-mon-carre-de-sableLes cendres de Virginia seront dispersées au pied d’un orme, dans le jardin de la maison du couple. Une stèle est installée en sa mémoire, sur laquelle est gravée une magnifique phrase tirée de son œuvre Les Vagues (1931, The Waves en VO), un livre traduit de l’anglais par Marguerite Yourcenar en personne :

Against you I will fling myself unvanquished and unyielding, O Death! 

Son héritage littéraire est inestimable. Nombre de ses romans sont devenus des classiques étudiés dans les plus prestigieuses universités. Quant à ses essais, ils sont encore brandis comme des armes dans la lutte pour l’égalité femmes-hommes.

Laissons-lui le dernier mot : “La beauté, c’est la bonté ; c’est la mer sur laquelle nous flottons.”

Repose en paix, Virginia.

Magnifique article de DJINNZZ · 5 JUIN 2019 sur le site #ETC

Guerre cognitive : Le cerveau sera le champ de bataille du 21e siècle

Guerre cognitive : Le cerveau sera le champ de bataille du 21e siècle

La militarisation de la science du cerveau

Les gouvernements occidentaux de l’alliance militaire de l’OTAN développent des tactiques de “guerre cognitive”, utilisant les menaces supposées de la Chine et de la Russie pour justifier une “bataille pour votre cerveau” dans le “domaine humain”, pour “faire de chacun une arme”.

L’OTAN développe de nouvelles formes de guerre pour mener une “bataille pour le cerveau“, selon les termes de l’alliance militaire.

Le cartel militaire de l’OTAN dirigé par les États-Unis a testé de nouveaux modes de guerre hybride contre ses adversaires autoproclamés, notamment la guerre économique, la cyberguerre, la guerre de l’information et la guerre psychologique.

Aujourd’hui, l’OTAN met au point un tout nouveau type de combat qu’elle a baptisé “guerre cognitive“. Décrite comme une ”militarisation des sciences du cerveau“, cette nouvelle méthode consiste à “pirater l’individu” en exploitant “les vulnérabilités du cerveau humain” afin de mettre en œuvre une “ingénierie sociale” plus sophistiquée.

Jusqu’à récemment, l’OTAN divisait la guerre en cinq domaines opérationnels différents : air, terre, mer, espace et cybernétique. Mais avec le développement de stratégies de guerre cognitive, l’alliance militaire discute d’un nouveau domaine, le sixième : le “domaine humain“.

Une étude parrainée par l’OTAN en 2020 sur cette nouvelle forme de guerre explique clairement : “Alors que les actions menées dans les cinq domaines sont exécutées afin d’avoir un effet sur le domaine humain, l’objectif de la guerre cognitive est de faire de chacun une arme.

Le cerveau sera le champ de bataille du 21e siècle”, souligne le rapport. “Les humains sont le domaine contesté” et “les conflits futurs se produiront probablement entre les personnes numériquement d’abord et physiquement ensuite, à proximité des centres de pouvoir politique et économique.”

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Le domaine cognitif est un nouvel espace de compétition, au-delà des domaines terrestre, maritime, aérien, cybernétique et spatial.

 

Si l’étude soutenue par l’OTAN insiste sur le fait qu’une grande partie de ses recherches sur la guerre cognitive est conçue à des fins défensives, elle concède également que l’alliance militaire développe des tactiques offensives, en déclarant : “L’humain est très souvent la principale vulnérabilité et il convient d’en tenir compte afin de protéger le capital humain de l’OTAN mais aussi de pouvoir tirer parti des vulnérabilités de nos adversaires.”

Dans une révélation qui fait froid dans le dos, le rapport dit explicitement que “l’objectif de la guerre cognitive est de nuire aux sociétés et pas seulement aux militaires”.

Avec des populations civiles entières dans le collimateur de l’OTAN, le rapport souligne que les armées occidentales doivent collaborer plus étroitement avec le monde universitaire pour armer les sciences sociales et humaines et aider l’alliance à développer ses capacités de guerre cognitive.

L’étude décrit ce phénomène comme “la militarisation de la science du cerveau“. Mais il semble évident que le développement de la guerre cognitive par l’OTAN conduira à une militarisation de tous les aspects de la société et de la psychologie humaines, des relations sociales les plus intimes à l’esprit lui-même.

Cette militarisation globale de la société se reflète dans le ton paranoïaque du rapport parrainé par l’OTAN, qui met en garde contre “une cinquième colonne intégrée, où chacun, à son insu, se comporte selon les plans de l’un de nos concurrents”. L’étude indique clairement que ces “concurrents” censés exploiter la conscience des dissidents occidentaux sont la Chine et la Russie.

En d’autres termes, ce document montre que les figures du cartel militaire de l’OTAN considèrent de plus en plus leur propre population nationale comme une menace, craignant que les civils ne soient de potentielles cellules dormantes chinoises ou russes, de redoutables “cinquièmes colonnes” qui remettent en cause la stabilité des “démocraties libérales occidentales”.

Le développement par l’OTAN de nouvelles formes de guerre hybride intervient à un moment où les campagnes militaires des États membres visent les populations nationales à un niveau sans précédent.

Le Ottawa Citizen a rapporté en septembre dernier que le Commandement des opérations conjointes de l’armée canadienne a profité de la pandémie de Covid-19 pour mener une guerre de l’information contre sa propre population, en testant des tactiques de propagande sur des civils canadiens.

Des rapports internes commandités par l’OTAN suggèrent que cette divulgation ne fait qu’effleurer la surface d’une vague de nouvelles techniques de guerre non conventionnelles que les armées occidentales emploient dans le monde entier.

militaire américaine. C'est du moins ce qu'affirme avec vigueur le Président Georges W Bush. Ce verrouillage des rapports de force internationaux interpelle-t-il la France et l'Europe ? Disposons-nous encore d'une marge de manœuvre qui ne nous réduise pas à l'état de forces supplétives ? Pourtant, les terrains d'affrontement ne manquent pas. La recherche de puissance dans les domaines économiques et culturels oppose déjà silencieusement les Etats-Unis au reste du monde depuis de nombreuses années. Comment affronte-t-on un allié qui a su transformer une partie de nos élites en vassaux obéissants ? C'est l'objet de cet ouvrage qui met en avant le principe de guerre cognitive. Face à un empire sans rival, l'affrontement direct est voué à l'échec. La ruse, la stratégie indirecte, l'art de la connaissance sont les seuls recours efficaces.

Le Canada accueille le “Défi innovation de l’OTAN” sur la guerre cognitive

Deux fois par an, l’OTAN organise un événement de type “pitch” qu’elle qualifie de “défi de l’innovation”. Ces campagnes – l’une organisée au printemps et l’autre à l’automne par les États membres en alternance – font appel à des entreprises privées, des organisations et des chercheurs pour aider à mettre au point de nouvelles tactiques et technologies pour l’alliance militaire.

Les défis de type “chars à requins” reflètent l’influence prédominante de l’idéologie néolibérale au sein de l’OTAN, les participants mobilisant le libre marché, les partenariats public-privé et la promesse de prix en espèces pour faire avancer le programme du complexe militaro-industriel.

Le défi d’innovation de l’OTAN – Automne 2021 est organisé par le Canada et s’intitule “La menace invisible : Des outils pour lutter contre la guerre cognitive”.

La guerre cognitive cherche à modifier non seulement ce que les gens pensent, mais aussi leur façon d’agir“, a fait savoir le gouvernement canadien dans sa déclaration officielle sur ce défi. “Les attaques contre le domaine cognitif impliquent l’intégration de capacités de cybernétique, de désinformation, de psychologie et d’ingénierie sociale.”

Le communiqué de presse poursuit :

“La guerre cognitive positionne l’esprit comme un espace de combat et un domaine contesté. Son objectif est de semer la dissonance, de susciter des récits contradictoires, de polariser l’opinion et de radicaliser les groupes. La guerre cognitive peut inciter les gens à agir d’une manière qui peut perturber ou fragmenter une société autrement cohésive.”

Des responsables militaires canadiens soutenus par l’OTAN discutent de la guerre cognitive lors d’une table ronde

Un groupe de défense appelé NATO Association of Canada s’est mobilisé pour soutenir ce défi de l’innovation, en travaillant en étroite collaboration avec les entrepreneurs militaires pour inciter le secteur privé à investir dans de nouvelles recherches au nom de l’OTAN – et de ses propres résultats.

Bien que la NATO Association of Canada (NAOC) soit techniquement une ONG indépendante, sa mission est de promouvoir l’OTAN, et l’organisation se vante sur son site web : “La NAOC a des liens étroits avec le gouvernement du Canada, notamment avec Global Affairs Canada et le Department of National Defence.”

Dans le cadre de ses efforts pour promouvoir le Défi d’innovation de l’OTAN du Canada, la NAOC a organisé une table ronde sur la guerre cognitive le 5 octobre 2021.

Le chercheur qui a rédigé l’étude définitive de 2020 sur la guerre cognitive, parrainée par l’OTAN, François du Cluzel, a participé à l’événement, aux côtés d’officiers militaires canadiens soutenus par l’OTAN.

La table ronde était supervisée par Robert Baines, président de la NATO Association of Canada. Elle était animée par Garrick Ngai, un responsable du marketing dans l’industrie de l’armement qui est conseiller auprès du ministère canadien de la Défense nationale et vice-président et directeur du NAOC.

Baines a ouvert l’événement en indiquant que les participants discuteraient de “la guerre cognitive et du nouveau domaine de compétition, où les acteurs étatiques et non étatiques visent à influencer ce que les gens pensent et comment ils agissent”.

Le président du NAOC s’est également réjoui des “opportunités lucratives pour les entreprises canadiennes” que promet ce défi d’innovation de l’OTAN.

Un chercheur de l’OTAN décrit la guerre cognitive comme “un moyen de nuire au cerveau”.

La table ronde du 5 octobre a débuté avec François du Cluzel, un ancien officier militaire français qui, en 2013, a contribué à la création du NATO Innovation Hub (iHub), qu’il dirige depuis lors depuis sa base de Norfolk, en Virginie.

Bien que l’iHub insiste sur son site web, pour des raisons juridiques, sur le fait que les “opinions exprimées sur cette plateforme ne constituent pas des points de vue de l’OTAN ou de toute autre organisation”, l’organisation est parrainée par l’Allied Command Transformation (ACT), décrit comme “l’un des deux commandements stratégiques à la tête de la structure de commandement militaire de l’OTAN”.

L’Innovation Hub agit donc comme une sorte de centre de recherche ou de groupe de réflexion interne à l’OTAN. Ses recherches ne constituent pas nécessairement une politique officielle de l’OTAN, mais elles sont directement soutenues et supervisées par l’OTAN.

En 2020, le Supreme Allied Commander Transformation (SACT) de l’OTAN a chargé Du Cluzel, en tant que responsable de l’iHub, de mener une étude de six mois sur la guerre cognitive.

Du Cluzel a résumé ses recherches lors de la table ronde d’octobre dernier. Il a commencé ses remarques en notant que la guerre cognitive “est actuellement l’un des sujets les plus chauds pour l’OTAN” et “est devenue un terme récurrent dans la terminologie militaire ces dernières années.”

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Bien que français, Du Cluzel a souligné que la stratégie de guerre cognitive “est actuellement développée par mon commandement ici à Norfolk, aux États-Unis”.

Le responsable du NATO Innovation Hub s’est exprimé à l’aide d’une présentation PowerPoint, et a commencé par une diapositive provocatrice décrivant la guerre cognitive comme “une bataille pour le cerveau“.

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“La guerre cognitive est un nouveau concept qui commence dans la sphère de l’information, c’est une sorte de guerre hybride”, a déclaré du Cluzel.

 

Cela commence par l’hyper-connectivité. Tout le monde a un téléphone portable”, a-t-il poursuivi. “Cela commence avec l’information, car l’information est, si je puis dire, le carburant de la guerre cognitive. Mais cela va bien au-delà de la seule information, qui est une opération autonome – la guerre de l’information est une opération autonome.”

La guerre cognitive se recoupe avec les entreprises Big Tech et la surveillance de masse, car “il s’agit d’exploiter le big data“, explique Du Cluzel. “Nous produisons des données partout où nous allons. Chaque minute, chaque seconde, nous allons en ligne. Et il est extrêmement facile d’exploiter ces données afin de mieux vous connaître et d’utiliser ces connaissances pour changer votre façon de penser.”

Naturellement, le chercheur de l’OTAN a affirmé que les “adversaires” étrangers sont les agresseurs supposés qui utilisent la guerre cognitive. Mais dans le même temps, il a clairement indiqué que l’alliance militaire occidentale développe ses propres tactiques.

Du Cluzel a défini la guerre cognitive comme “l’art d’utiliser des technologies pour altérer la cognition de cibles humaines“.guerre-cognitive-livre2-mon-carre-de-sable-

Ces technologies, a-t-il noté, intègrent les domaines de la NBIC – nanotechnologie, biotechnologie, technologie de l’information et science cognitive. L’ensemble de ces technologies constitue un cocktail très dangereux qui permet de manipuler davantage le cerveau“, a-t-il déclaré.

Du Cluzel a poursuivi en expliquant que cette nouvelle méthode d’attaque exotique “va bien au-delà” de la guerre de l’information ou des opérations psychologiques (psyops).

La guerre cognitive n’est pas seulement un combat contre ce que nous pensons, mais c’est plutôt un combat contre la façon dont nous pensons, si nous pouvons changer la façon dont les gens pensent“, a-t-il déclaré. “C’est beaucoup plus puissant et cela va bien au-delà de la [guerre] de l’information et des opérations psyops”.

De Cluzel poursuit : “Il est crucial de comprendre qu’il s’agit d’un jeu sur notre cognition, sur la façon dont notre cerveau traite l’information et la transforme en connaissance, plutôt qu’un jeu uniquement sur l’information ou sur les aspects psychologiques de notre cerveau. Ce n’est pas seulement une action contre ce que nous pensons, mais aussi une action contre la façon dont nous pensons, la façon dont nous traitons l’information et la transformons en connaissance.”

En d’autres termes, la guerre cognitive n’est pas seulement un autre mot, un autre nom pour la guerre de l’information. C’est une guerre contre notre processeur individuel, notre cerveau.

Le chercheur de l’OTAN a souligné que “c’est extrêmement important pour nous, les militaires”, car “cela a le potentiel, en développant de nouvelles armes et de nouveaux moyens de nuire au cerveau, d’engager les neurosciences et la technologie dans de très nombreuses approches différentes pour influencer l’écologie humaine… car vous savez tous qu’il est très facile de transformer une technologie civile en une technologie militaire.”

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Quant à savoir qui pourraient être les cibles de la guerre cognitive, Du Cluzel a révélé que tout le monde est sur la table.

La guerre cognitive a une portée universelle, en commençant par l’individu jusqu’aux États et aux organisations multinationales”, a-t-il déclaré. “Son champ d’action est global et vise à prendre le contrôle de l’être humain, civil comme militaire.”

Et le secteur privé a un intérêt financier à faire progresser la recherche sur la guerre cognitive, a-t-il noté : “Les investissements massifs réalisés dans le monde entier dans le domaine des neurosciences laissent penser que le domaine cognitif sera probablement l’un des champs de bataille de l’avenir.”

Le développement de la guerre cognitive transforme totalement le conflit militaire tel que nous le connaissons, a déclaré Du Cluzel, ajoutant “une troisième dimension de combat majeure au champ de bataille moderne : à la dimension physique et informationnelle s’ajoute désormais une dimension cognitive.”

Cela “crée un nouvel espace de compétition au-delà de ce que l’on appelle les cinq domaines d’opérations – ou domaines terrestre, maritime, aérien, cybernétique et spatial. La guerre dans l’arène cognitive mobilise un éventail plus large d’espaces de combat que ne peuvent le faire les seules dimensions physique et informationnelle.”

En bref, les humains eux-mêmes sont le nouveau domaine contesté dans ce nouveau mode de guerre hybride, aux côtés de la terre, de la mer, de l’air, du cyberespace et de l’espace.

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L’étude de l’OTAN sur la guerre cognitive met en garde contre une “cinquième colonne intégrée”.

L’étude menée par François du Cluzel, responsable du NATO Innovation Hub, de juin à novembre 2020, a été parrainée par le Allied Command Transformation du cartel militaire, et publiée sous la forme d’un rapport de 45 pages en janvier 2021 (PDF).

Ce document glaçant montre comment la guerre contemporaine a atteint une sorte de stade dystopique, autrefois imaginable uniquement dans la science-fiction.

La nature de la guerre a changé”, souligne le rapport. “La majorité des conflits actuels restent en deçà du seuil de la définition traditionnellement acceptée de la guerre, mais de nouvelles formes de guerre sont apparues, comme la guerre cognitive (Cognitive Warfare CW), tandis que l’esprit humain est désormais considéré comme un nouveau domaine de la guerre.”

Pour l’OTAN, la recherche sur la guerre cognitive n’est pas seulement défensive, elle est aussi très offensive.Il y a quatre-vingts ans, le plus grand génocide jamais commis dans l'Europe nazie. Cela a commencé avec l'extermination massive de patients atteints de troubles neurologiques et psychiatriques que le régime d'Hitler considérait comme des « mangeurs inutiles ». La profession neuropsychiatrique a été systématiquement « nettoyée » à partir de 1933, mais le racisme et l'eugénisme s'étaient infiltrés dans la spécialité bien avant cela. Avec l'installation de neuroscientifiques de principe nazi, une stérilisation forcée de masse a été adoptée, qui s'est transformée en meurtre de patients au début de la Seconde Guerre mondiale. Mais le meurtre d'environ 275 000 patients n'était pas suffisant. Les cerveaux des patients ont été conservés et utilisés dans des publications scientifiques pendant et longtemps après la guerre. En outre, les patients eux-mêmes ont été utilisés pour des expériences contraires à l'éthique. Relativement peu de neuroscientifiques ont résisté aux nazis, avec un certain succès dans les pays occupés. La plupart des neuroscientifiques impliqués dans des actions contraires à l'éthique ont poursuivi leur carrière indemne après la guerre. Peu ont répondu pour leurs actions, et peu se sont repentis. L'héritage d'une ère aussi dépravée dans l'histoire des neurosciences et de l'éthique médicale est qu'il existe désormais des codes pour protéger les patients et les sujets de recherche. Mais cette protection est peut-être sujette à des extrêmes politiques et les neuroscientifiques individuels ne peuvent protéger les patients et leurs collègues que s'ils comprennent les dangers d'un état d'esprit utilitariste, contraire à l'éthique et sans compassion. Brain Science under the Svastika est le seul ouvrage complet et savant publié sur les abus éthiques et professionnels des neuroscientifiques à l'époque nazie. L'auteur a conçu un tour de force cinglant explorant les extrêmes de l'abus éthique, mais aussi les moyens de résister et, espérons-le, d'empêcher les futures générations de neuroscientifiques et de médecins.

Développer des capacités pour nuire aux capacités cognitives des adversaires sera une nécessité”, indique clairement le rapport Du Cluzel. “En d’autres termes, l’OTAN devra obtenir la capacité de sauvegarder son processus décisionnel et de perturber celui de l’adversaire.”

Et n’importe qui peut être la cible de ces opérations de guerre cognitive : “Tout utilisateur des technologies modernes de l’information est une cible potentielle. Il vise l’ensemble du capital humain d’une nation”, ajoute le rapport de manière inquiétante.

Outre l’exécution potentielle d’une guerre cognitive en complément d’un conflit militaire, elle peut également être menée seule, sans aucun lien avec un engagement des forces armées”, poursuit l’étude. “De plus, la guerre cognitive est potentiellement sans fin puisqu’il ne peut y avoir de traité de paix ou de reddition pour ce type de conflit.”

Tout comme ce nouveau mode de combat n’a pas de frontières géographiques, il n’a pas non plus de limite de temps : “Ce champ de bataille est mondial via internet. Sans début ni fin, cette conquête ne connaît aucun répit, rythmée par les notifications de nos smartphones, en tout lieu, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.”

L’étude parrainée par l’OTAN note que “certains pays de l’OTAN ont déjà reconnu que les techniques et technologies neuroscientifiques ont un fort potentiel d’utilisation opérationnelle dans diverses entreprises de sécurité, de défense et de renseignement”.

Elle parle de percées dans les “méthodes et technologies neuroscientifiques” (neuroS/T), et précise “l’utilisation des résultats et des produits de la recherche pour faciliter directement la performance des combattants, l’intégration d’interfaces homme-machine pour optimiser les capacités de combat des véhicules semi-autonomes (par exemple, les drones), et le développement d’armes biologiques et chimiques (c’est-à-dire les neuroarmes)”.

Le Pentagone est l’une des principales institutions à faire avancer cette recherche novatrice, comme le souligne le rapport : “Bien qu’un certain nombre de nations aient poursuivi, et poursuivent actuellement, la recherche et le développement neuroscientifiques à des fins militaires, les efforts les plus proactifs à cet égard ont sans doute été menés par le Département de la défense des États-Unis ; les travaux de recherche et de développement les plus notables et les plus rapides étant menés par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) et l’Intelligence Advanced Research Projects Activity (IARPA)”.

Selon l’étude, les utilisations militaires de la recherche neuroscientifique et technologique comprennent la collecte de renseignements, la formation, “l’optimisation des performances et de la résilience du personnel de combat et de soutien militaire” et, bien sûr, “l’utilisation directe des neurosciences et des neurotechnologies à des fins militaires”.

Cette militarisation de la neuroS/T peut être et sera fatale, comme le souligne clairement l’étude parrainée par l’OTAN. La recherche peut “être utilisée pour atténuer l’agressivité et favoriser les cognitions et les émotions d’affiliation ou de passivité ; induire la morbidité, le handicap ou la souffrance ; et “neutraliser” les adversaires potentiels ou provoquer la mortalité” – en d’autres termes, pour mutiler et tuer des gens.

Le rapport cite le général de division américain Robert H. Scales, qui résume la nouvelle philosophie de combat de l’OTAN : “La victoire se définira davantage en termes de capture du terrain psycho-culturel plutôt que géographique.”

Et tandis que l’OTAN développe des tactiques de guerre cognitive pour “capturer le psycho-culturel“, elle se dote également de plus en plus d’armes dans divers domaines scientifiques.

L’étude parle notamment de “creuset des sciences des données et des sciences humaines”, et souligne que “la combinaison des sciences sociales et de l’ingénierie des systèmes sera essentielle pour aider les analystes militaires à améliorer la production de renseignements.”

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SUN TZU = « L’Art de la guerre » une bible des techniques de « torsions mentales » pour vaincre l’ennemi – même plus fort que soi.

Si la puissance cinétique ne peut vaincre l’ennemi, la psychologie et les sciences comportementales et sociales connexes peuvent combler ce vide.”

L’exploitation des sciences sociales sera centrale pour le développement du plan d’opérations du domaine humain”, poursuit le rapport. “Il soutiendra les opérations de combat en fournissant des plans d’action potentiels pour l’ensemble du milieu humain environnant, y compris les forces ennemies, mais aussi en déterminant les éléments humains clés tels que le centre de gravité cognitif, le comportement souhaité comme état final.”

Toutes les disciplines universitaires seront impliquées dans la guerre cognitive, et pas seulement les sciences dures. “Au sein de l’armée, des compétences en anthropologie, ethnographie, histoire, psychologie, entre autres, seront plus que jamais nécessaires pour coopérer avec l’armée”, indique l’étude parrainée par l’OTAN.

Le rapport s’approche de sa conclusion avec une citation inquiétante : “Les progrès actuels des nanotechnologies, des biotechnologies, des technologies de l’information et des sciences cognitives (NBIC), dopés par la marche apparemment imparable d’une troïka triomphante composée de l’intelligence artificielle, du Big Data et de la “dépendance numérique” civilisationnelle, ont créé une perspective bien plus inquiétante : une cinquième colonne embarquée, où chacun, à son insu, se comporte selon les plans de l’un de nos concurrents.

Le concept moderne de la guerre ne concerne pas les armes mais l’influence”, postulait-il. “La victoire à long terme restera uniquement dépendante de la capacité à influencer, affecter, changer ou impacter le domaine cognitif.

L’étude parrainée par l’OTAN se termine par un paragraphe final qui indique clairement que l’objectif ultime de l’alliance militaire occidentale n’est pas seulement le contrôle physique de la planète, mais aussi le contrôle de l’esprit des gens :

La guerre cognitive pourrait bien être l’élément manquant qui permet de passer de la victoire militaire sur le champ de bataille à un succès politique durable. Le domaine humain pourrait bien être le domaine décisif, dans lequel les opérations multi-domaines permettent d’atteindre l’effet recherché par le commandant. Les cinq premiers domaines peuvent donner des victoires tactiques et opérationnelles ; seul le domaine humain peut obtenir la victoire finale et complète.”

Un officier canadien des opérations spéciales souligne l’importance de la guerre cognitive

Lorsque François du Cluzel, le chercheur de l’OTAN qui a mené l’étude sur la guerre cognitive, a conclu ses remarques lors de la table ronde de la NATO Association of Canada du 5 octobre 2021, il a été suivi par Andy Bonvie, un commandant du Centre canadien d’entraînement aux opérations spéciales.

Fort de plus de 30 ans d’expérience au sein des forces armées canadiennes, Bonvie a expliqué comment les armées occidentales utilisent les recherches de Du Cluzel et d’autres, et incorporent de nouvelles techniques de guerre cognitive dans leurs activités de combat.

La guerre cognitive est un nouveau type de guerre hybride pour nous”, a déclaré Bonvie. “Et cela signifie que nous devons examiner les seuils traditionnels de conflit et comment les choses qui sont faites sont vraiment en dessous de ces seuils de conflit, des attaques cognitives, et des formes non cinétiques et des menaces non combatives pour nous. Nous devons mieux comprendre ces attaques et adapter nos actions et notre formation en conséquence pour être en mesure d’opérer dans ces différents environnements.”

Bien qu’il ait présenté les actions de l’OTAN comme étant “défensives”, affirmant que les “adversaires” utilisaient la guerre cognitive contre eux, Bonvie a été sans ambiguïté sur le fait que les armées occidentales développent elles-mêmes ces techniques, afin de conserver un “avantage tactique”.

Nous ne pouvons pas perdre l’avantage tactique pour nos troupes que nous plaçons à l’avant, car il s’étend non seulement sur le plan tactique, mais aussi sur le plan stratégique”, a-t-il déclaré. “Certaines de ces différentes capacités dont nous disposons et dont nous bénéficions tout à coup pourraient être pivotées pour être utilisées contre nous. Nous devons donc mieux comprendre la rapidité avec laquelle nos adversaires s’adaptent aux choses, puis être en mesure de prédire où ils vont dans le futur, afin de nous aider à obtenir et à maintenir l’avantage tactique pour nos troupes à l’avenir.”

La guerre cognitive est la forme de manipulation la plus avancée à ce jour”.

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La guerre cognitive intègre des capacités d’ingénierie cybernétique, informationnelle, psychologique et sociale pour parvenir à ses fins. © Root Info Solutions

 

Marie-Pierre Raymond, lieutenant-colonel canadienne à la retraite qui occupe actuellement le poste de “scientifique de la défense et gestionnaire de portefeuille d’innovation” pour le programme Innovation for Defence Excellence and Security des Forces armées canadiennes, a également rejoint le panel du 5 octobre.

Il est loin le temps où la guerre était menée pour acquérir plus de terres”, a déclaré Raymond. “Maintenant, le nouvel objectif est de changer les idéologies des adversaires, ce qui fait du cerveau le centre de gravité de l’humain. Et cela fait de l’humain le domaine contesté, et l’esprit devient le champ de bataille.”

Lorsque nous parlons de menaces hybrides, la guerre cognitive est la forme de manipulation la plus avancée vue à ce jour”, a-t-elle ajouté, notant qu’elle vise à influencer la prise de décision des individus et “à influencer un groupe d’individus sur leur comportement, dans le but d’obtenir un avantage tactique ou stratégique.”

Raymond a noté que la guerre cognitive recoupe aussi fortement l’intelligence artificielle, le big data et les médias sociaux, et reflète “l’évolution rapide des neurosciences comme outil de guerre.”

Raymond aide à superviser le Défi d’innovation automne 2021 de l’OTAN au nom du Département de la défense nationale du Canada, qui a délégué les responsabilités de gestion au programme Innovation for Defence Excellence and Security (IDEaS) de l’armée, où elle travaille.

Dans un jargon très technique, Raymond a indiqué que le programme de guerre cognitive n’est pas seulement défensif, mais aussi offensif : “Ce défi appelle une solution qui soutiendra le domaine humain naissant de l’OTAN et qui lancera le développement d’un écosystème de la cognition au sein de l’alliance, et qui soutiendra le développement de nouvelles applications, de nouveaux systèmes, de nouveaux outils et concepts menant à une action concrète dans le domaine cognitif.”

Elle a souligné que cela “nécessitera une coopération soutenue entre les alliés, les innovateurs et les chercheurs pour permettre à nos troupes de combattre et de gagner dans le domaine cognitif. C’est ce que nous espérons voir émerger de cet appel aux innovateurs et aux chercheurs.”

Pour susciter l’intérêt des entreprises pour le NATO Innovation Challenge, Raymond a lancé : “Les candidats bénéficieront d’une visibilité nationale et internationale et recevront des prix en espèces pour la meilleure solution”. Elle a ensuite ajouté de façon alléchante : “Les candidats pourraient également en bénéficier en leur donnant potentiellement accès à un marché de 30 pays.”

Un officier militaire canadien appelle les entreprises à investir dans la recherche de l’OTAN sur la guerre cognitive

L’autre institution qui gère le Défi d’innovation de l’OTAN de l’automne 2021 au nom du Département de la défense nationale du Canada est le Commandement des forces d’opérations spéciales (CANSOFCOM).

Un officier militaire canadien qui travaille avec le CANSOFCOM, Shekhar Gothi, était le dernier panéliste de l’événement organisé par la NATO Association of Canada le 5 octobre. Gothi est l’”agent d’innovation” du CANSOFCOM pour le sud de l’Ontario.

Il a conclu l’événement en appelant les entreprises à investir dans la recherche de l’OTAN sur la guerre cognitive.

Le défi de l’innovation, qui a lieu deux fois par an, “fait partie du rythme de combat de l’OTAN”, a déclaré Gothi avec enthousiasme.

Il a indiqué qu’au printemps 2021, le Portugal a organisé un défi d’innovation de l’OTAN axé sur la guerre dans l’espace.

Au printemps 2020, les Pays-Bas ont accueilli un défi d’innovation de l’OTAN axé sur le Covid-19.

Gothi a rassuré les investisseurs que l’OTAN se pliera en quatre pour défendre leurs résultats : “Je peux assurer à tout le monde que le défi de l’innovation de l’OTAN indique que tous les innovateurs conserveront le contrôle total de leur propriété intellectuelle. L’OTAN ne prendra donc pas le contrôle de cette propriété. Le Canada non plus. Les innovateurs conserveront le contrôle de leur propriété intellectuelle.”

Ce commentaire a constitué une conclusion appropriée au panel, affirmant que l’OTAN et ses alliés du complexe militaro-industriel ne cherchent pas seulement à dominer le monde et les humains qui l’habitent à l’aide de techniques de guerre cognitive inquiétantes, mais aussi à s’assurer que les entreprises et leurs actionnaires continuent de profiter de ces projets impériaux.

SOURCES :

D’après un excellent article « La militarisation de la science du cerveau » du site iatranshumanisme.com qui reprend l’étude de Ben Norton du site anglophone « Grayzone »

Ben Norton pour The Grayzone : Behind NATO’s ‘cognitive warfare’: ‘Battle for your brain’ waged by Western militaries

Revue de l’OTAN, Innovation Hub, Le Monde

Ainsi s’éteindra la liberté dans le monde – Aldous Huxley

Ainsi s’éteindra la liberté dans le monde – Aldous Huxley

Aldous Huxley : « Ainsi s’éteindra la liberté dans le monde »

Aldous Huxley est l’un de ces auteurs qui, il y a plusieurs décennies, ont osé écrire sur le futur qui nous attendait. Aujourd’hui, si nous analysons la réalité, il semblerait que ses hypothèses n’étaient pas du tout tirées par les cheveux.

Aldous Huxley : « Ainsi s’éteindra la liberté dans le monde »

Perdrons-nous réellement notre liberté ? À un moment aussi délicat que celui que nous vivons, dans l’incertitude la plus absolue, et en plein changement constant à tous les niveaux, économique, politique et social, beaucoup se demandent jusqu’où allons-nous aller ? Nous l’ignorons, mais nous pouvons néanmoins nous pencher sur quelques réflexions comme celles d’Aldous Huxley.

L’écrivain et philosophe réfléchissait déjà à ce sujet, à ce que signifiait la perte de liberté, aussi bien individuelle que collective, vers les années 1914 et 1940. Deux périodes au cours desquelles se sont produites la Première et la Seconde Guerre mondiale, faits qu’Huxley a vécus en personne.

Des moments difficiles dont il a tiré ses propres conclusions à propos de tout ce qui se passait et qui conservent un certain parallélisme avec ce que nous vivons aujourd’hui. Pour Huxley, le plus important dans les moments de crise est la pensée divergente, la pensée individuelle et la pensée critique. Pour lui, c’est la seule façon de lutter contre le système et la tyrannie dans le monde.

Aldous Huxley et ses présages dans le Meilleur des mondes

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Le roman publié par Huxley en 1931 a prédit, d’une certaine façon, la vie moderne. Un livre qui nous met en garde sur les dangers des médias, la passivité et la façon dont une population intelligente peut se retrouver forcée à choisir la dictature par rapport à la liberté.

Le Meilleur des mondes est la description d’une société dans laquelle tout le monde est très heureux, tout le temps…. À travers la destruction du libre-arbitre, de l’ingénierie génétique et du conditionnement pavlovien (Pavlov), qui maintient tout le monde occupé avec d’interminables distractions de tout type et même avec des « médicaments », au cas où tout le reste échouerait.

Ainsi, l’état mondial dans Le Meilleur des mondes est une dictature qui s’efforce de maintenir l’ordre. Une dictature dirigée par dix oligarques qui dépendent d’une immense bureaucratie pour faire fonctionner le monde.

De cette façon, les personnes sont conditionnées à aimer leur soumission. Elles sont conditionnées à être fières du travail vital qu’elles font pour se sentir soulagées de ne pas avoir à s’inquiéter des problèmes du monde.

Les 4 prédictions d’Aldous Huxley

Aldous Huxley, qui a aussi vécu les débuts de la Guerre froide, a fait des déclarations auprès de la BBC en 1958. C’est à ce moment-là qu’il a prédit qu’il était nécessaire d’être en alerte, de se réveiller et de remettre en question le contrôle sur la population et la gestion du pouvoir.

Esclaves des médias aux mains des intérêts privés

Dans notre société moderne, la majorité d’entre nous ne peuvent pas passer plus de 30 minutes sans regarder leur portable. Nous sommes des esclaves.meilleur-des-mondes-livre-suite--huxley-mon-carre-de-sable Comme Huxley l’avait prédit, nous avons rendu possible l’absence de l’ennui grâce aux informations sans fin que nous fournit la technologie. Sans compter ce que cela a impliqué au niveau de la santé mentale.

Même si se distraire est nécessaire et n’a rien de mauvais – Huxley ne s’opposait pas à cela -, la distraction ne peut jamais devenir plus importante que les véritables problèmes qui nous affectent sur le plan mondial. Il y a toujours des gens qui profitent de ces distractions pour obtenir du pouvoir en retour.

« Toutes les démocraties se basent sur l’idée que le pouvoir est dangereux et qu’il est extrêmement important de ne pas laisser un homme ou un petit groupe en avoir trop ou pendant longtemps. »

La publicité et le consumérisme

Le consumérisme peut être utilisé pour nous garder distraits, en dirigeant notre attention et nos efforts vers la satisfaction de besoins qui, en réalité, n’en sont pas. Une consommation qui, pour Huxley, suppose une sorte de dictature silencieuse qui conditionne les gens pour qu’ils achètent sans cesse de nouvelles choses.

À ce moment, au milieu du XXe siècle, la télévision commençait à peine à jouer un rôle décisif. Mais aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement d’elle.

La consommation et la publicité nous envahissent. Il suffit d’ouvrir n’importe quel réseau social : Instagram, Twitter, Facebook, YouTube, etc. pour se rendre compte de ses intentions : influencer le consommateur avec n’importe quel produit ou service pour qu’il soit le plus distrait possible.

meilleur-des-mondes-huxley-mon-carre-de-sableL’établissement d’une dictature basée sur la surveillance

Pour Huxley, la dictature se base sur le strict usage de la force à travers la surveillance, les sanctions et un état permanent de guerre. Si Huxley prédisait cet usage de la force à travers les sanctions, chose que nous pouvons aussi voir aujourd’hui, un autre fait actuel est qu’on nous surveille.

Dans une interview, Marta Peirano, journaliste experte en sécurité sur Internet, expliquait que la 5G était un piège pour nous espionner. Dans cette interview réalisée par El Confidencial, elle assurait que :

« Internet est dominé par un modèle économique basé sur l’extraction de données pour la manipulation des personnes, dans le but de leur vendre des objets, des services, des expériences, des candidats politiques… Et il est entre les mains d’un nombre de plus en plus réduit d’entreprises qui se battent à mort entre elles pour dominer ce marché. Les gouvernements sont d’ailleurs les clients de ces compagnies et utilisent leurs infrastructures pour contrôler la population, produire des fake news ou poursuivre des dissidents ».

La révolution pharmacologique nous fera aimer l’esclavage

Les médicaments étaient une façon de garder les gens « heureux » et sous contrôle. Et maintenant ? Beaucoup pensent que ce sera le cas avec les vaccins…

Des politiciens conseillés par des professionnels, selon Aldous Huxley

Tous les politiciens qui occupent des postes importants disposent de conseillers qui essaient de faire en sorte que la population voie, à travers leurs conseils, les valeurs qu’elle apprécie, indépendamment du contenu du discours ou des mesures effectives qui sont mises en place à partir de l’administration qu’ils dirigent. L’important est l’illusion et pas ce qui est.

Ainsi, le marketing est aussi la clé pour influencer les décisions des gens au moment de choisir tel ou tel candidat. Plus particulièrement le marketing politique.

Aldous Huxley était une personne avec le regard fixé sur un horizon lointain, celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Selon le lui, dans le monde futur, les personnes serait contrôlées à travers la technologie d’une manière simple et efficace. Elles finiraient elles-mêmes par renforcer un système qui, au fond, les emprisonne.

Ceci est un article du très bon site « NOS PENSÉES », merci à lui pour ce sujet

Notre Moi de l’ombre,  comment y faire face et le transcender

Notre Moi de l’ombre, comment y faire face et le transcender

Notre « moi de l’ombre ». Comment y faire face, le mettre en lumière et le transcender

Avant que vous ne commenciez :

Prenez un moment et respirez. Placez votre main sur votre poitrine, près de votre cœur. Respirez lentement dans la zone pendant environ une minute, en vous concentrant sur une sensation de bien-être qui pénètre votre esprit et votre corps.

« Ce dont vous avez le plus besoin se trouvera là où vous voudrez le moins regarder, mais vous devez chercher à dessein. S’il vous poursuit, alors vous êtes la proie ; si vous l’affrontez, vous pouvez le transcender. »

Jordan Peterson

Il y a beaucoup d’écrits sur l’ombre et ce qu’elle est. La direction est claire. L’ombre est quelque chose que la plupart d’entre nous réprimons et cachons aux autres, et dans la majorité des cas, à nous-mêmes. D’où vient-elle et que pouvons-nous faire pour l’intégrer ou la guérir ?

D’après un article original en anglais : « Your “Shadow Self.” How To Face It, Bring It To Light & Transcend It » By Milan Karmeli on February 14, 2021

Mais, pourquoi avons-nous une ombre ?

Commençons par nous demander « pourquoi avons-nous une ombre ? » Est-ce parce que nous portons les ténèbres en notre cœur ou est-ce que l’ombre prend forme au cours de notre vie comme un résidu de peur, de rage, de honte et de culpabilité, et leur évitement ? Je dirais un peu des deux. Sur le plan collectif humain, nous portons des traumatismes liés à la souffrance et à l’agression de nos ancêtres. Mais pour la plupart, notre ombre se développe au cours de cette vie sous la forme d’une personnalité complexe et sophistiquée, qui nous maintient avec un sentiment de contrôle.

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Au fond nous nous sentons vulnérables mais essayons de le cacher.

Notre monde intérieur est complexe et pour certains, insupportable. Nous sommes continuellement confrontés et craignons d’être exposés à notre complexité contradictoire, envers nous-mêmes et les autres. Au lieu de plonger dans les profondeurs de notre psyché et d’inviter plus de conscience, nous préférons nous protéger. Plus nous sommes conscients, plus nous devenons responsables de nos actions. L’une des raisons pour lesquelles nous cachons si méticuleusement notre ombre est que nous ne voulons pas porter les conséquences de nos actions. Et ainsi, notre vulnérabilité et notre ombre sont étroitement liées.

Comment tenter d’y remédier

Il existe de nombreuses façons efficaces de ne pas se sentir vulnérable et de conserver un sentiment d’innocence. Respecter une morale stricte, adhérer à des idéologies, qu’elles soient sociales, politiques ou spirituelles, ou s’appuyer sur des dogmes religieux, tous obtiennent exactement cette protection. Le genre de protection dans laquelle nous nous berçons de sentiments de droiture et d’innocence. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas chercher à ce que nos actions soient morales ou éviter de croire, mais que nous devenions conscients lorsqu’elles sont utilisées au service de se sentir supérieur aux autres. Chose intéressante, notre souhait de rester innocent est une grande ombre en soi.

Ce que tu suis te fuit

Ainsi, pendant que nous sommes occupés à réprimer et à contrôler, l’ombre se nourrit et grandit à chaque tentative de combattre le rejet, l’humiliation ou la punition, ainsi que des situations qui nous laissent un sentiment de culpabilité et de honte.

Voici quelques exemples de la façon dont notre ombre cache notre vulnérabilité. Disons que nous voulons être reconnus pour quelque chose que nous avons fait. Au lieu de demander la reconnaissance, nous le cachons par une fausse humilité et devenons rancuniers de ne pas avoir reçu l’attention que nous pensons mériter. Un autre exemple est notre besoin d’appartenir et d’être important pour les autres. Mais encore une fois, au lieu de communiquer ce besoin, qui nous rend vulnérable au rejet, nous faisons en sorte que les autres se sentent importants dans l’espoir d’être félicités en retour pour nos actions.

Au fil du temps, nous avons développé d’innombrables façons sophistiquées d’édulcorer nos ombres et de nous sentir en contrôle.

Assumons ce que nous sommes et faisons preuve d’humiliténotre-moi-de-l-ombre-jordan-peterson-mon-carre-de-sable

L’intégration de l’ombre commence par une honnêteté qui ne cherche rien en retour.

Nous pouvons voir que la plupart des ombres ont à voir avec des tentatives de survie quelconques. Cela se produit lorsque nous essayons de contrôler notre environnement en nous comportant comme des victimes, en gagnant le respect par une fausse humilité, une supériorité morale et d’autres formes de manipulation. Lorsque nous parlons d’intégration de l’ombre, il est crucial que nous soyons précis sur les facettes de notre ombre.

On veut par exemple pouvoir dire, en s’abstenant de tout jugement, que « je souris aux autres, pour ne pas être agressé » ou « je contrôle mon partenaire en le culpabilisant ». Tout jugement sur ce que nous découvrons en nous-mêmes est une tentative cachée de nous victimiser et de trouver des excuses. Le « pourquoi » est ici secondaire, car la liste des raisons est interminable et la source absolue est difficile à cerner, mais l’envie de limiter notre vulnérabilité est toujours là.

Il est inutile de la combattre, mieux vaut la comprendre

C’est peut-être le bon moment pour dire que l’intégration de l’ombre n’est pas une question de rédemption, mais de compréhension du fonctionnement interne de la vulnérabilité et de la protection, qui sont étroitement liés à notre sentiment de survie, à la fois physique et émotionnel.

De plus, nous voulons faire face à nos ombres, non pas pour nous sentir mieux ou plus légers à l’avenir, mais afin de devenir plus intégrés en nous-mêmes et de diminuer le sentiment de séparation que l’ombre produit. Nous voulons rendre l’intégrité qui vient avec la responsabilité d’appartenir à une histoire et à une culture qui éprouve beaucoup de souffrance et qui est plus grande que nous-mêmes. Intégrer notre ombre implique de laisser l’obscurité faire partie de nous, sans vouloir la dépasser.

Laisse tomber l’espoir d’une vie sans douleur

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 » Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité.  » Carl G. Jung

Lorsque nous faisons face à notre ombre, nous voulons nous approprier pleinement l’agressivité, la peur, l’égoïsme ou la cupidité qui vivent en nous. Nous voulons clarifier avant tout pour nous-mêmes comment nous jouons aux jeux de pouvoir et cherchons le contrôle. Cette reconnaissance ne réduit pas nécessairement la blessure à nous-mêmes ou aux autres ou ne nous permet pas de changer. Il n’y a pas de résultat certain de l’intégration de l’ombre et c’est une pilule difficile à avaler. Ce que nous faisons « simplement », c’est de mettre en lumière quelque chose de caché, sans essayer de le rendre plus ou moins significatif ou dramatique, mais plutôt de le voir tel qu’il est, devenant ainsi plus conscient.

Plus nous induisons d’émotivité dans la caractérisation de notre ombre, moins l’intégration a lieu. L’intégration de l’ombre devrait être un acte non dramatique, entouré d’un soupçon de fraîcheur, où nous observons qui nous sommes devenus. Nous ressentirons la douleur des mensonges, de la trahison et des blessures envers les autres au cours de cette observation. Et ce faisant, retenir son jugement, qu’il soit positif ou négatif, est vraiment un défi. Comment est-il possible de « ne pas commenter » ce que nous considérons comme une expérience personnelle ? Nous devons comprendre que tout commentaire contient également la tentative de changer l’expérience, qu’elle nous libère ou nous punisse.

Punitions que nous nous infligeons : le poids de notre culpabilité et de nos hontes

Guérir l’ombre est un processus magique dont nous sommes le participant, pas le réalisateur

L’intégration vient d’un lieu qui n’est pas dramatique, car le drame prend toujours parti, et il nous fait manquer la simplicité qui réside dans la reconnaissance de la complexité humaine. L’intégration de l’ombre est un processus permanent et même magique. Cela se produit lorsque nous sommes complètement véridiques, abandonnant tout accord avec Dieu ou le Destin, et nous abandonnant à ce que nous sommes essentiellement : vulnérables…

Nous voulons inviter à ressentir la douleur que notre ombre nous révèle sans rechercher la rédemption. D’une certaine manière, chaque fois que nous disons oui à une part d’ombre en nous, nous acceptons de réintégrer la vulnérabilité continue d’être humain.

C’est là que commence l’intégration.

Plongez plus profondément

Comment savoir que vous aimez quelqu’un ?

Comment savoir que vous aimez quelqu’un ?

Le théorème d’incomplétude de la vérité du cœur de la philosophe Martha Nussbaum, de Platon à Proust

« Les alternances entre l’amour et son déni, la souffrance et le déni de la souffrance … constituent la caractéristique structurelle la plus essentielle et la plus omniprésente du cœur humain. »

Comment savez-vous que vous aimez quelqu’un ? Le théorème d’incomplétude de la vérité du cœur de la philosophe Martha Nussbaum, de Platon à Proust

« L’état d’enchantement est un état de certitude », W.H. Auden a écrit dans son livre banal. « Quand nous sommes enchantés, nous ne croyons, ni ne doutons, ni nions : nous savons, même si, comme dans le cas d’un faux enchantement, notre connaissance est une auto-illusion. Nulle part notre capacité d’enchantement, ni notre capacité d’auto-tromperie, n’est plus grande que dans l’amour – la région de l’expérience humaine où le chemin de la vérité est le plus obstrué par la ronce de la rationalisation et où nous sommes le plus susceptibles d’être kidnappés par nos propres délicieuses illusions. Là, il est perpétuellement difficile de savoir ce que l’on veut vraiment ; difficile de faire la distinction entre l’amour et la luxure ; difficile de ne pas succomber à notre périlleuse tendance à idéaliser ; difficile de concilier la proximité nécessaire à l’intimité avec la distance psychologique nécessaire au désir.

Comment, alors, savons-nous vraiment que nous aimons une autre personne ?

C’est ce que Martha Nussbaum, que je continue de considérer comme la philosophe la plus convaincante de notre temps, examine dans son livre de 1990 Love’s Knowledge : Essays on Philosophy and Literature (public library) — le Carré de sable dans lequel Nussbaum a élaboré les idées qui deviendra une décennie plus tard, son traité incisif sur l’intelligence des émotions.

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La connaissance de l’amour Broché – 24 juin 2010
de Martha Nussbaum c. (Auteur), Solange Chavel (Traduction)

Concevant une sorte de théorème d’incomplétude de la vérité du cœur, Nussbaum écrit :

Nous nous trompons sur l’amour — sur qui ; et comment ; et quand ; et si…
Nous découvrons et corrigeons également nos auto-tromperies. Les forces à la fois pour tromper et démasquer ici sont diverses et puissantes : le danger inégalé, le besoin urgent de protection et d’autosuffisance, le besoin opposé et égal de joie, de communication et de connexion. N’importe lequel d’entre eux peut servir soit la vérité, soit la fausseté, selon l’occasion.
La difficulté devient alors : comment au milieu de cette confusion (et de cette joie et de cette douleur) savons-nous à quelle vision de nous-mêmes, à quelles parties de nous-mêmes faire confiance ?
Quelles histoires sur l’état du cœur sont les plus fiables et quelles sont les fictions auto-trompeuses ?
On se demande où, dans cette pluralité de voix discordantes avec lesquelles nous nous adressons sur ce thème de l’égoïsme éternel, est le critère de vérité et qu’est-ce que cela signifie de chercher un critère ici ?
Cette exigence pourrait-elle être elle-même un outil d’auto-illusion ?)

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À la recherche du temps perdu Fournitures diverses – Illustré, 19 septembre 2019 de Marcel Proust (Auteur), Jean-Yves Tadié (Sous la direction de)

Avec un œil sur « À la recherche du temps perdu » de Proust et son thème central de la façon dont notre intellect nous aveugle à la sagesse du cœur, Nussbaum contemple la nature de ces expériences « dans lesquelles le tissu auto-protecteur de la rationalisation est en un instant coupé. , comme par le couteau d’un chirurgien » : le protagoniste de Proust, Marcel, s’est rationnellement convaincu qu’il n’aime plus sa bien-aimée, Albertine, mais est poussé à affronter la fausseté de cette rationalisation en apprenant sa mort ; sous le choc de sa douleur intense, il acquiert instantanément la connaissance, bien plus profonde et plus nerveuse que celle de l’intellect, qu’il aimait, en fait, Albertine.

Témoignant de l’affirmation de Proust selon laquelle « la fin de la sagesse d’un livre nous apparaît comme simplement le début de la nôtre », Nussbaum poursuit :

Proust nous dit que la sorte de connaissance du cœur dont nous avons besoin dans ce cas ne peut pas nous être donnée par les sciences de la psychologie, ni même par aucune sorte d’utilisation scientifique de l’intellect. La connaissance du cœur doit venir du cœur — de et dans ses douleurs et ses désirs, ses réponses émotionnelles.

Une telle conception de la connaissance de l’amour, certes, s’oppose radicalement à la longue tradition intellectuelle du rationalisme qui s’étend de Platon à Locke comme une énorme corde de raison qui ne joue qu’une note, sourde à la complexité symphonique de l’univers émotionnel. La vision proustienne appelle à une restauration de la nuance perdue. Soulignant « les pseudo-vérités de l’intellect », Nussbaum revisite la situation difficile de Marcel, dans laquelle l’intellect a imposé un sens illusoire d’ordre et de structure à l’entropie des émotions :

Le choc de la perte et la montée de la douleur qui l’accompagne lui montrent que ses théories étaient des formes de rationalisation auto-trompeuse – non seulement fausses sur son état, mais aussi des manifestations et des complices d’un réflexe de nier et de fermer ses vulnérabilités que Proust trouve être. très profondément dans toute la vie humaine. La forme première et la plus omniprésente de ce réflexe se voit dans les opérations de l’habitude, qui nous rend la douleur de notre vulnérabilité tolérable en dissimulant le besoin, en dissimulant la particularité (d’où la vulnérabilité à la perte), en dissimulant toutes les caractéristiques douloureuses du monde. — simplement nous habituer à eux, morts à leurs assauts. Lorsque nous y sommes habitués, nous ne les ressentons pas ou ne les désirons pas de la même manière ; nous ne sommes plus si douloureusement affligés par notre incapacité à les contrôler et à les posséder. Marcel a pu conclure qu’il n’est pas amoureux d’Albertine, en partie parce qu’il est habitué à elle. Son examen intellectuel calme et méthodique est impuissant à déloger cette « divinité de rêve, si rivée à son être, son visage insignifiant si incrusté dans le cœur ». En effet, il ne parvient pas du tout à discerner la distinction capitale entre le visage de l’habitude et le vrai visage du cœur.

Nussbaum considère comment notre dépendance excessive à l’égard de l’intellect pour la clarté de l’amour produit plutôt une sorte de myopie :

L’analyse de la psychologie par l’intellect manque de tout sens des proportions, de la profondeur et de l’importance… [Une telle] analyse coûts-avantages du cœur – la seule évaluation comparative dont l’intellect, par lui-même, est capable – est liée, suggère Proust, à passer à côté des différences de profondeur. Non seulement pour les manquer, mais pour empêcher leur reconnaissance. L’analyse coûts-bénéfices est une manière de se rassurer, de se contrôler en prétendant que toutes les pertes peuvent être compensées par des quantités suffisantes d’autre chose. Ce stratagème s’oppose à la reconnaissance de l’amour — et même de l’amour lui-même.

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Martha Nussbaum

[…]

Pour éliminer des obstacles aussi puissants à la vérité, nous avons besoin de l’instrument qui est « le plus subtil, le plus puissant, le plus approprié pour saisir la vérité ». Cet instrument nous est donné dans la souffrance.

Un demi-siècle après que Simone Weil ait présenté ses arguments convaincants pour expliquer pourquoi la souffrance est une plus grande force de clarification que la discipline intellectuelle, Nussbaum examine cet antidote à l’auto-illusion de l’intellect en citant directement Proust :

Notre intelligence, si lucide qu’elle soit, ne peut percevoir les éléments qui la composent et restent insoupçonnés tant que, de l’état volatil dans lequel ils existent généralement, un phénomène capable de les isoler ne les a pas soumis aux premiers stades de solidification. Je m’étais trompé en pensant que je pouvais voir clair dans mon propre cœur. Mais cette connaissance, que les perceptions les plus fines de l’esprit ne m’auraient pas donnée, m’était maintenant apportée, dure, étincelante, étrange, comme un sel cristallisé, par la brusque réaction de la douleur.

Au cœur de cette méthode de recherche de la vérité se trouve ce que Nussbaum appelle la catalepsie – « une condition de certitude et de confiance dont rien ne peut nous déloger ». Être cataleptique — du grec katalēptikē, dérivé du verbe katalambanein, signifiant « appréhender », « saisir fermement » — c’est avoir une solide compréhension de la réalité. Mais, bien sûr, l’antinomie implicite est que parce que la réalité est intrinsèquement glissante, soit la fermeté d’une telle catalepsie, soit sa conception de la réalité est fausse.

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La fragilité du bien : Fortune et éthique dans la tragédie et la philosophie grecques Broché – 7 janvier 2016
de Martha Nussbaum (Auteur), Gérard Colonna d’Istria (Traduction), Roland Frapet (Traduction)

Notant le point de vue du philosophe grec présocratique Zenon selon lequel nous acquérons la connaissance de la vérité du cœur à travers des impressions puissantes qui viennent directement de la réalité, Nussbaum revient à Marcel Proust :

L’impression [qu’il aime Albertine] vient sur Marcel à l’improviste, à l’improviste, incontrôlé… par surprise, particularité vive et intensité qualitative extrême sont autant de caractéristiques qui sont systématiquement dissimulées par les rouages de l’habitude, forme première de l’illusion et de l’auto-dissimulation . Ce qui a ces caractéristiques doit avoir échappé aux mécanismes de l’auto-illusion, doit provenir de la réalité elle-même.

On remarque enfin que la pénibilité même de ces impressions est essentielle à leur caractère cataleptique. Notre objectif premier est de nous réconforter, d’apaiser la douleur, de couvrir nos blessures. Alors ce qui a le caractère de la douleur doit avoir échappé à ces mécanismes de confort et de dissimulation ; doit donc provenir de la vraie nature non dissimulée de notre condition.

Et pourtant, il existe une autre possibilité, plus dimensionnelle. Nussbaum écrit :

Pour le stoïcien, l’impression cataleptique n’est pas simplement une voie vers la connaissance ; c’est savoir. Il ne pointe pas au-delà de lui-même vers la connaissance ; il va constituer la connaissance. (La science est un système composé de katalēpseis.) Si nous suivons strictement l’analogie, alors, nous constatons que la connaissance de notre amour n’est pas le fruit de l’impression de souffrance, un fruit qui aurait pu en principe avoir été obtenu en dehors de la souffrance. . La souffrance elle-même est un morceau de la connaissance de soi. En répondant à une perte avec angoisse, nous saisissons notre amour. L’amour n’est pas un fait séparé à propos de nous qui est signalé par l’impression ; l’impression révèle l’amour en le constituant. L’amour n’est pas une structure dans le cœur qui attend d’être découverte ; elle est incarnée, constituée d’expériences de souffrance.

[…]

Marcel est donc amené, par et dans l’impression cataleptique, à une reconnaissance de son amour. Il y a ici des éléments de découverte et de création, tant au niveau particulier que général. L’amour d’Albertine se découvre et se crée. On découvre, dans cette habitude et cet intellect masquaient à Marcel un état psychologique prêt à souffrir, et qui… n’avait besoin que d’être légèrement affecté par le catalyseur pour se transformer en amour. Il est créé, parce que l’amour nié et réprimé avec succès n’est pas exactement l’amour. Alors qu’il était occupé à nier qu’il l’aimait, il ne l’aimait tout simplement pas. Au niveau général, encore, Marcel découvre et met en scène à la fois une caractéristique sous-jacente permanente de sa condition, à savoir son besoin, sa soif de possession et de plénitude. Cela aussi était là dans un sens avant la perte, parce que c’est de cela que la vie humaine est faite. Mais en le niant et en le refoulant, Marcel est devenu temporairement autosuffisant, fermé et étranger à son humanité. La douleur qu’il ressent pour Albertine lui donne accès à sa condition sous-jacente permanente en étant un cas de cette condition, et aucun cas de ce genre n’était présent un instant auparavant. Avant la souffrance, il s’était en effet trompé – à la fois parce qu’il niait une caractéristique structurelle générale de son humanité et parce qu’il niait la disposition particulière de son âme à ressentir un amour sans espoir pour Albertine. Il était au bord du précipice et pensait qu’il était en sécurité enfermé dans sa propre rationalité. Mais son cas nous montre aussi comment le déni réussi de l’amour est l’extinction (temporaire) et la mort de l’amour, comment l’auto-tromperie peut viser et presque atteindre le changement de soi.

Nous voyons maintenant exactement comment et pourquoi le récit de la connaissance de soi de Marcel n’est pas un simple rival du récit intellectuel. Il nous dit que le récit intellectuel était faux : faux sur le contenu de la vérité sur Marcel, faux sur les méthodes appropriées pour acquérir cette connaissance, faux aussi sur le type d’expérience dans et de la personne qui sait. Et il nous dit qu’essayer de saisir l’amour intellectuellement est une manière de ne pas souffrir, de ne pas aimer — un rival pratique, un stratagème de fuite.

Et pourtant, cette notion de mesurer l’amour par degré de souffrance semble être une pathologie particulière du cœur humain — pourrait, demande Nussbaum, la douleur de Marcel à la perte d’Albertine être une preuve non pas d’amour, ou du moins pas seulement d’amour, mais de chagrin ou de peur ou une autre constellation de contextes ?

Elle écrit:

La relation de Marcel avec la science de la connaissance de soi commence maintenant à sembler plus complexe que nous ne l’avions soupçonné. Nous avons dit que tenter de saisir l’amour intellectuellement était une manière d’éviter d’aimer. Nous avons dit que dans l’impression cataleptique, il y a une reconnaissance de sa propre vulnérabilité et de son incomplétude, une fin à notre fuite de nous-mêmes. Mais l’idée même de fonder l’amour et sa connaissance sur des impressions cataleptiques n’est-elle pas elle-même une forme de fuite — de l’ouverture à l’autre, de toutes ces choses amoureuses pour lesquelles il n’y a en fait aucun critère certain ? Toute son entreprise n’est-elle pas qu’une expression nouvelle et plus subtile de la rage de contrôle, et du besoin de possession et de certitude, le déni de l’incomplétude et du besoin qui caractérise le projet intellectuel ? N’a-t-il pas encore faim d’une science de la vie ?

Notant le contraste entre la réciprocité de l’amour et l’asymétrie de l’engouement – après tout, la confrontation de Marcel avec ses sentiments pour Albertine ne nécessite pas du tout sa participation et peut être menée comme une activité entièrement solitaire –

Nussbaum ajoute :

Ce que Marcel ressent, c’est une lacune ou un manque en lui-même, une plaie ouverte, un coup au cœur, un enfer en lui. Tout cela est-il vraiment l’amour d’Albertine ?

[…]

Le cœur et l’esprit d’un autre sont inconnaissables, voire inaccessibles, sauf dans les fantasmes et les projections qui sont vraiment des éléments de la propre vie de celui qui connaît, pas celle de l’autre.

Le protagoniste de Proust arrive lui-même à cette conclusion :

J’ai compris que mon amour était moins un amour pour elle qu’un amour en moi… C’est le malheur des êtres de n’être pour nous que des vitrines utiles pour le contenu de notre propre esprit.

Et pourtant, cette conclusion, soutient Nussbaum, n’est qu’une forme d’autoprotection – en niant sa porosité à l’autre et en décrivant plutôt l’amour comme une curieuse relation avec soi-même, elle renforce l’illusion d’autosuffisance comme une couverture contre la souffrance qui l’amour implique. Une telle conception est finalement une forme d’auto-illusion masquant la vraie nature de l’amour et ce que Nussbaum appelle sa « dangereuse ouverture ». En réfléchissant à l’ultime révélation de Proust, elle écrit :

L’amour … est une caractéristique structurelle permanente de notre âme.

[…]

Les alternances entre l’amour et sa négation, la souffrance et la négation de la souffrance … constituent la caractéristique structurelle la plus essentielle et la plus omniprésente du cœur humain. Dans la souffrance, nous ne connaissons que la souffrance. Nous qualifions nos rationalisations de fausses et d’illusoires, et nous ne voyons pas dans quelle mesure elles expriment un mécanisme régulier et profond dans nos vies. Mais cela signifie que dans l’amour lui-même, nous n’avons pas encore la pleine connaissance de l’amour – car nous ne saisissons pas ses limites, ses frontières. On ne peut pas dire que les créatures marines connaissent la mer de la même manière qu’une créature qui peut observer et habiter à la fois la mer et la terre, remarquant comment elles se lient et se limitent les unes les autres.

La Connaissance de l’Amour est une lecture révélatrice dans sa totalité. Complétez-le avec Adam Phillips sur l’interaction entre frustration et satisfaction amoureuse, Erich Fromm sur la maîtrise de l’art d’aimer, Alain de Botton sur pourquoi nos partenaires nous rendent fous, et Esther Perel sur le paradoxe central de l’amour, puis revisitez Nussbaum sur la colère et le pardon, le libre arbitre et la victimisation, l’intelligence des émotions et comment vivre avec notre fragilité humaine.

PAR MARIA POPOVA du Site Brainpickings.